"La migration, c'est quelque chose de banal" Catherine Wihtol de Wenden
Si on y réfléchit une minute, qui n’a aucune origine étrangère ? Des arrière-grands-parents russes, une grand-mère espagnole, allemande, belge, polonaise ou italienne, des parents algériens ou sénégalais … Il ne faut pas remonter bien loin pour s’apercevoir que le brassage des populations a toujours existé et fait la richesse de nos sociétés. Comme le souligne Catherine Wihtol de Wenden, politologue spécialiste de la question des migrations, « même s’il y a des murs, des frontières, des barbelés, des visas … on ne dissuadera jamais les gens de bouger s’ils veulent se donner l’objectif de changer de vie ».
Tilt - Peut-on arrêter de migrer ?
Catherine Wihtol de Wenden - La migration, c’est quelque chose de banal. Il ne faut pas considérer que c’est une catastrophe. C’est l’histoire du monde et elle va se poursuivre. Elle ne va pas changer parce qu’il y a une décision de loi qui a été prise pour restreindre l’immigration. Ça ne dissuade pas. Tous les instruments de dissuasion sont voués à l’échec. Les gens vont continuer de bouger même s’il y a des murs, des frontières, des barbelés, des visas. On ne dissuadera jamais les gens de bouger, s’ils veulent se donner l’objectif de changer de vie.
Comment serait le monde sans migration ?
S’il n’y avait pas de migrations, on serait dans des lignes de fracture, encore plus fortes entre le Nord et le Sud du monde. On aurait plus de violences à nos portes : plus d’intégrisme religieux violent et plus de crises politiques donnant lieu à des flux de réfugiés, si tout le Sud était enfermé derrière ses frontières et tout le Nord protégé derrière ses murs. Donc ce n’est pas du tout une solution pour l’équilibre du monde. La migration favorise le développement, et le développement favorise la migration.
Les stéréotypes ont-ils toujours été présents ?
Les stéréotypes que l’on avait sur l’étranger, qui pourrait pourtant nous paraitre proche aujourd’hui, les Polonais, les Italiens, les Belges, les Suisses, les Allemands, etc, étaient à peu près ceux qu’on a aujourd’hui sur des gens qui viennent de beaucoup plus loin, par exemple. Même la religion dans un pays laïque, celui de la Troisième République, était très critiquée. Aujourd’hui, c’est l’islam, mais à l’époque, c’était le catholicisme traditionnel qui était critiqué. Tous les stéréotypes sur la pauvreté, la saleté, des mœurs quasiment barbares… Ils étaient utilisés pour désigner des Européens. Donc les stéréotypes n’ont pas changé. C’est la population qui a changé, mais on a une très grande stabilité des idées reçues.
MasterTilt, c’est quoi ?
MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.
Par Rédaction Tilt
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