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Les déchets électroniques : un fléau invisible

Rédaction Tilt le 13/02/2025

9 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Chaque année, des tonnes de déchets électroniques s'accumulent dans le monde, portées par notre consommation croissante d’outils technologiques. D’après l’Observatoire mondial des déchets électroniques publié en 2024, par l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche et l'Union internationale des télécommunications, la quantité mondiale de ces déchets a presque doublé depuis 2010, atteignant 62 millions de tonnes en 2022. Derrière nos vieux smartphones et ordinateurs usagés se cache un problème bien plus grand qu’un recyclage oublié : des ressources précieuses gaspillées, des pollutions toxiques et des inégalités sociales décuplées. Pourtant, nous continuons à consommer et à jeter, souvent sans penser à ce que cela implique. Alors, que deviennent ces objets lorsqu’ils quittent nos vies ? Et à quel prix ?

Où (en) sont nos déchets électroniques ?  

Les déchets électroniques, c’est quoi ?  

Chaque année, un objet nous quitte pour de bon : notre vieux smartphone, un grille-pain capricieux ou jugé moins performant, une télévision hors d'usage. Mais alors, qu’appelle-t-on un déchet d’équipements électriques et électroniques (DEEE), aussi appelés e-déchets ? Pour le comprendre, il faut d’abord définir ce qu’on entend par équipements électriques et électroniques.

Les équipements électriques et électroniques regroupent tous les appareils fonctionnant à l’électricité ou à batterie : réfrigérateurs, téléphones, téléviseurs, ordinateurs, etc. Une fois jetés par leur propriétaire, ces équipements deviennent des déchets souvent polluants, mais aussi riches en matériaux recyclables (métaux rares, plastiques, etc.). Leur gestion responsable est donc essentielle pour limiter leur impact environnemental et valoriser leurs ressources. Mais dans les faits, que deviennent-ils une fois hors service ?

Un volume qui explose

Selon l’Observatoire mondial des déchets électroniques, le monde a généré 62 millions de tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques en 2022, et seulement 22% d’entre eux ont été collectés et recyclés correctement. Le reste ? Il finit dans des décharges, est brûlé à l’air libre ou envoyé dans des circuits de recyclage informels, car non … les appareils que nous remplaçons trop vite ne disparaissent malheureusement pas. Ce chiffre vertigineux de DEEE pourrait dépasser les 82 millions de tonnes en 2030

Face à cette explosion, le rapport dessine trois scénarios potentiels :

  1. Un scénario « business as usual » : sans changement, le taux de recyclage chutera à 20 % d'ici 2030, avec 40 milliards de dollars de pertes économiques dues aux impacts environnementaux.
  2. Un scénario progressif : des efforts coordonnés permettraient d'atteindre 38 % de recyclage, avec un bilan économique presque neutre.
  3. Et un scénario souhaitable : avec 60 % de recyclage, les bénéfices nets dépasseraient 38 milliards de dollars, grâce à une meilleure gestion mondiale et des gains environnementaux. 

Ces scénarios illustrent l’urgence d’une action concertée à l’échelle internationale.

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Pourquoi faut-il agir contre ce phénomène ?

Des ressources précieuses … et perdues.

Nos téléphones, ordinateurs et autres gadgets sont de véritables trésors technologiques. Ils contiennent de l’or, de l’argent, du cuivre, et des terres rares, des éléments indispensables à l’industrie high-tech. Selon l’Observatoire mondial des déchets électroniques, la valeur des métaux récupérés dans les déchets électroniques est estimée à 28 milliards de dollars 2022.

Pourtant, faute d’un recyclage approprié, ces ressources peuvent se perdre. En effet, le recyclage de certains métaux n’est pas toujours faisable techniquement ou économiquement. En 2022, 9 milliards de dollars de métaux ont été récupérés via des systèmes formels, 12 milliards par le secteur informel. Récupérer ces matériaux permet non seulement de préserver ces ressources, mais aussi de réduire l’impact écologique de leur extraction. Le problème est que l'extraction initiale de ces ressources entraîne des conséquences dévastatrices, tout comme l’ensemble du cycle de vie des objets électroniques et électriques. De leur production jusqu’à leur fin de vie, ces objets affectent particulièrement l’environnement, mais aussi la santé humaine.

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Un danger environnemental 

En effet, la mauvaise gestion des déchets électroniques et électriques engendre de graves conséquences environnementales. Ces déchets contiennent des substances toxiques, comme le mercure, le plomb ou encore les retardateurs de flamme, qui, en l'absence de traitement adéquat, contaminent les sols, l'eau et l'air. Cela entraîne une pollution durable des écosystèmes, affectant les cycles naturels et même les chaînes alimentaires… En plus, certains de ces déchets sont parfois brûlés ou laissés à l'abandon dans des décharges à ciel ouvert, libérant ainsi des particules fines et des gaz toxiques dans l’atmosphère. Cette pollution contribue au changement climatique tout en aggravant la qualité de l’air.

Actuellement dans le monde, 58 tonnes de mercure et 45 000 tonnes de plastiques contenant des retardateurs de flamme bromés sont libérés dans l'environnement chaque année en raison d'une gestion non conforme des déchets électroniques.

Cette dégradation environnementale est particulièrement alarmante dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les infrastructures de gestion des déchets sont insuffisantes.
 

... et sanitaire !
 

En effet, la pollution provoquée par ces déchets peut fortement affecter la santé humaine. Par exemple, le rapport rappelle que le mercure provoque des lésions cérébrales et des troubles neurologiques graves, tandis que le plomb entraîne des maladies cardiovasculaires et des atteintes au système nerveux central. Ces risques augmentent considérablement dans les zones où ces substances contaminent les sols, l'eau et l'air, exposant ainsi la population locale et la main-d'œuvre du secteur à des maladies graves.

Dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires, les décharges d’e-déchets se transforment en zones à haut risque. Ces zones contaminent non seulement les populations vivant à proximité, mais exposent aussi directement les travailleurs et travailleuses qui participent au recyclage informel de ces matériaux : les premier.es à subir les conséquences sanitaires des substances toxiques libérées.

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Un défi global aux solutions locales

Malgré l’ampleur du problème, des initiatives émergent. Des programmes de collecte et de recyclage se développent à travers le monde. Certains fabricants s’engagent à concevoir des appareils plus faciles à réparer et à recycler. 

Le recyclage comme solution

Un traitement approprié des déchets électroniques offre des avantages environnementaux (et économiques) considérables. Le recyclage de ces déchets à l’échelle mondiale permet en effet de produire des matières premières secondaires, évitant ainsi l’extraction de 900 milliards de kilogrammes de minerai dans le cadre de l’exploitation minière primaire. Par ailleurs, ce processus a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec 52 milliards de kilogrammes d’équivalent CO2 évités. Cette réduction s’explique d’une part par l’évitement de l’extraction minière, qui est une activité hautement polluante et consommatrice d’énergie, et d’autre part par la diminution des polluants libérés lorsque les déchets électroniques ne sont pas recyclés, mais abandonnés dans des décharges, où leur décomposition libère des substances toxiques. On parle alors d'exploitation urbaine : c'est-à-dire l'extraction de ressources à partir de déchets plutôt que de la croûte terrestre. Celle-ci réduit la dépendance à l'exploitation minière traditionnelle tout en prévenant la dégradation de l'environnement : on préserve les écosystèmes, tout en optimisant des ressources déjà extraites.

La réglementation comme clé

Une réglementation efficace et effective des déchets électroniques permet de freiner l'augmentation constante des flux non documentés de déchets et donc de protéger l'environnement, la société et la santé humaine, mais aussi de sécuriser les chaînes d'approvisionnement futures en récupérant les ressources contenues dans les déchets électroniques. 

En juin 2023, 81 des 193 pays analysés disposaient d'une politique, législation et/ou réglementation concernant les déchets électroniques. L’Union européenne, par exemple, impose des réglementations strictes pour limiter la présence de substances toxiques dans les produits électroniques et encourager leur réutilisation. En Afrique, la gestion des déchets électroniques reste majoritairement informelle, mais des programmes sont mis en place pour former les travailleurs du secteur informel et distribuer des équipements de protection individuelle pour améliorer la sécurité et la collecte des e-déchets. En Asie, la Chine a pris des mesures significatives pour gérer les déchets électroniques, notamment en introduisant en 2008 le principe de la responsabilité élargie des producteurs obligeant les fabricants à assumer la responsabilité de la gestion de leurs produits en fin de vie.

Dans l’ensemble, la limite des instruments juridiques réside dans le fait que les outils ne fixent pas toujours d’objectifs pour la collecte et le recyclage des déchets, voire ne couvrent pas tous les types d’appareils électroniques et électriques.

Enfin, la clé du changement réside aussi dans nos comportements. Allonger la durée de vie de nos appareils, opter pour des produits reconditionnés, ou encore déposer nos vieux équipements dans les points de collecte : des habitudes de qui permettent de réduire significativement nos déchets.

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Énergie

Par Rédaction Tilt

Source :

Global E-waste Monitor 2024

✏ (texte) Jade Moreira
✏ (illustrations) Jean Jean Factory

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