poêles teflon
# Tiltionnaire

Les polluants éternels, c'est quoi ?

Rédaction Tilt le 31/05/2024

5 min de lecture 🧠   Niveau « J'y connais rien »

« Attention, pas de grattage intensif dans le fond de la poêle » ; cet avertissement un peu excentrique de tes parents sur l’usage d’une poêle en Téflon, ce n’était pas une lubie, mais plutôt une remarque visionnaire par rapport aux polluants éternels. Récemment, un scandale a éclaté concernant ceux qu’on appelle les « PFAS », c’est-à-dire les substances chimiques qui composent notamment ces poêles. On t’explique dans ce tiltionnaire pourquoi ces substances sont si dangereuses pour la nature et les humains !

Les PFAS ou la grande famille des polluants éternels

Le mot « PFAS », prononcé pifasses, est un acronyme désignant des substances per- et polyfluoroalkylées. Ce sont des composés chimiques extrêmement toxiques aussi appelés polluants éternels. C’est une très grande famille, puisque les PFAS comprennent entre 4 000 et 10 000 substances. 

Mais alors, pourquoi les appelle-t-on « éternels » ? Parce que ces molécules ont été fabriquées par l’humain pour résister à toutes les conditions et les situations, aussi bien à l’eau qu’à une chaleur ardente. En gros, c’est un peu le MacGyver des produits toxiques. Les PFAS ont donc de très nombreuses propriétés : imperméabilisants, antiadhésifs, ignifugeants, antitaches… Bref, ils ont tout pour plaire, mais ces avantages ne sont pas sans conséquences.

Quand les PFAS débarquent dans notre quotidien

Les PFAS ont été découverts par hasard en 1938. Le Dr. Roy Plunkett de l’entreprise DuPont a accidentellement créé le premier membre de la famille PFAS en manipulant de la neige carbonique pour refroidir un gaz. C’est ainsi qu’est né le Polytetrafluoroethylène (PTFE),qui deviendra plus tard le Téflon. Cette poudre insoluble résiste à des températures excédent les 260 °C, mais elle ne sera pas tout de suite utilisée.

C’est pendant la Seconde Guerre mondiale que les Américains vont se servir pour la première fois de cette substance, pour leurs chars d’assaut d’abord, puis dans le cadre du projet Manhattan, afin de concevoir la bombe atomique.

Le PTFE n’entre dans la vie civile qu’après 1949, année de sa commercialisation, suivie d’une grande campagne promotionnelle jusqu’aux années 1960. Il se retrouve alors à la fois dans l’industrie et dans les produits de la consommation courante. Dès 1951, on trouve du Téflon dans les ustensiles de cuisine, en plein cœur de l’American way of life. 

Un scandale sanitaire majeur

Produits du quotidien, poêles antiadhésives, emballages alimentaires, textiles imperméables, implants médicaux, cordes de guitare, fils dentaires ou encore mousses d’extinction incendie : les PFAS sont partout ! Tu as forcément croisé leur route. C’est grave, docteur ?

Le super-pouvoir des PFAS, celui d’être très résistant, pose aussi un sérieux problème : ils peuvent perdurer dans la nature et dans l’organisme humain pendant des années. Le hic, c’est que l’accumulation des PFAS dans notre corps peut mener à une diminution de la réponse immunitaire face à la vaccination et à la maladie. Mais ce n’est pas tout : les polluants éternels sont aussi associés à des risques de cancer, de diabète, d’obésité, de perturbation du fonctionnement hépatique, de troubles de la fertilité, de ralentissement de la croissance... La liste est longue !

Par ailleurs, ce scandale sanitaire a des conséquences économiques majeures. La chercheuse Gretta Goldenman estime que les PFAS coûtent entre 52 et 84 milliards d’euros aux systèmes de santé européens en raison de leurs conséquences. Le problème n’aurait pas autant de retentissement s’il n’était pas le fruit d’un vieux mensonge : dès 1961, l’entreprise DuPont avait pris connaissance de ces risques.


 


« L’industrie chimique en savait manifestement beaucoup sur les problèmes liés aux PFAS depuis très, très longtemps »

Ian Cousins, professeur en chimie de l'environnement à l'université de Stockholm

Forever Pollution Project, sur la trace des PFAS

Loin d’être le titre d’un film d’action, le Forever Pollution Project est une enquête sur les polluants éternels menée par 17 médias internationaux, dont Le Monde. Le collectif de journalistes a constitué une carte, baptisée « la carte de la pollution éternelle ». Leur enquête a révélé près de 23 000 sites de contamination rien qu’en Europe : la concentration de PFAS y est supérieure à 10 nanogrammes par litre (ng/l), seuil qui requiert l’attention des pouvoirs publics. Non seulement les PFAS sont ultra-résistants, mais ils se propagent aussi très facilement dans l’eau et dans l’air, sur de grandes distances, se retrouvant dans les sols et les organismes vivants.

Mais le plus inquiétant, c’est l’existence de ce que les journalistes appellent des « hot spots » : la concentration des PFAS y est supérieure à 100 ng/l, ce qui commence à représenter un sérieux danger pour l’humain. Désormais, grâce à cette enquête, ces zones sont bien identifiées.

Bientôt une loi pour les interdire ?

En janvier 2023, en attendant qu’un plan d’action soit mis en place à l’échelle européenne, le gouvernement français s’est donné comme objectif de surveiller les usines produisant des PFAS. Certaines organisations, comme Générations futures, ont révélé la faiblesse de ces mesures prises au plus haut niveau. En réponse, une proposition de loi écologiste portée par plusieurs députés a vu le jour. 

Son objectif est de pousser les industriels à réduire leur utilisation de polluants éternels en interdisant la fabrication et la vente de produits qui en contiennent. Débattue le 30 mai dernier au Sénat, la proposition a été adoptée à l’unanimité, mais avec quelques ajustements : au lieu d’une interdiction générale et immédiate, elle se fera progressivement. L’Assemblée nationale devrait désormais rendre son verdict sur cette nouvelle version du projet de loi. Pionnière, la métropole de Lyon a déjà décidé d’assigner deux entreprises en référé expertise pour déclencher une enquête sur leur responsabilité. 

Alors, on en fait quoi de cette vieille poêle ?  

Santé Pollution Environnement

Par Rédaction Tilt

Partager cet article :

J'agis

J'ai 1 minute ⏰

Petites actions (en ligne), grandes différences. Avis, pétitions, partages

J'ai 1 journée ⏰⏰

Évènements, création de contenus

J'ai du temps ⏰⏰⏰

Bénévolat, formation, appel à projet, jobs