On se demande souvent comment mieux consommer. Parmi la foultitude de solutions, du vrac aux labels, il est parfois difficile de s'y retrouver. Aujourd’hui, on met la focale sur une solution : le commerce équitable. Le Drenche, journal étudiant de débats, est allé à la rencontre de Mathieu Boche, responsable équipe projet agriculture et développement rural au sein de l’Agence française de développement, pour mieux comprendre ce qui se cache derrière cette appellation.
Qu’est-ce que le commerce équitable ?
Dans les grands principes, cela consiste à mettre en place des mécanismes de commercialisation des produits agricoles qui permettent une juste rémunération des producteurs. Il y a plusieurs mécanismes pour y parvenir. Cela peut, entre autres, passer par des labels qui garantissent un surplus de rémunérations aux producteurs en contrepartie d’un certain nombre d’engagements pour les organisations de producteurs comme par exemple, sur les conditions de travail, l’égalité femmes-hommes ou encore le respect de l’environnement. Ces engagements vont dépendre plus précisément du cahier des charges défini par chaque label. Mais il peut également y avoir des engagements sur les pratiques sociales, les conditions de travail ou encore le respect de l’environnement.
Si on prend l’exemple du cacao en Côte d’Ivoire, la plupart des labels vérifient que les producteurs et les coopératives n’ont absolument pas recours au travail des enfants, ou qu’ils ont recours à des pratiques agroécologiques.
Les indications géographiques (IG), bien que relevant d’une logique différente car faisant partie des instruments de de protection de la propriété intellectuelle, contribuent de façon indirecte à améliorer les revenus des producteurs et le caractère équitable des relations commerciales.
S’applique-t-il uniquement au commerce international Nord – Sud ?
Originellement, le commerce équitable est apparu en réaction à l’iniquité croissante dans les rapports commerciaux internationaux, notamment dans les filières d’exportation du Sud vers le Nord. C’est sur ces filières que les producteurs semblaient le plus vulnérable aux variations de prix, et c’est aussi là qu’il y avait une propension des acheteurs, de par leur niveau de vie, à payer davantage.
Mais le sujet de l’équité dans les relations commerciales et plus largement de l’amélioration des revenus pour les producteurs est aussi un sujet concernant les échanges Sud-Sud. Il concerne plutôt les IG. En Côte d’Ivoire par exemple, un travail d’enregistrement de l’Attieké des lagunes (semoule de manioc) comme IG est en cours.
Pour des échanges Nord-Nord, des initiatives comme “C’est qui le patron ?” rentrent également dans la définition large du commerce équitable. Ce n’est pas toujours lié à une indication protégée ou une certification. Si on a une vision plus large du commerce équitable en tant que juste rémunération des producteurs, cela peut s’appliquer potentiellement à la commercialisation de tous les produits agricoles.
Est-ce que c’est assez équitable ? Est-ce que ça a augmenté la part payée au producteur ? De combien ?
Ce qui est certain, c’est que le prix d’achat aux producteurs a augmenté. Cet aspect est documenté, prouvé, et efficace. La proportion dépend fortement des produits et des mécanismes. Sur le cacao en Côte d’Ivoire ou au Pérou, une étude du BASIC (Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne) a démontré que le commerce équitable a permis des réductions très fortes des coûts cachés des filières (environnementaux et sociaux).
En Côte d’Ivoire, on observe une réduction des coûts sociétaux de l’ordre de 18 % lorsque la filière est équitable, en grande partie grâce à l’augmentation moyenne du revenu des producteurs. Au Pérou, ces coûts sociétaux sont même réduits de 80 % dans la filière cacao équitable : non seulement le revenu versé aux producteurs leur permet de sortir de la grande pauvreté, mais les primes collectives sont aussi régulièrement investies dans des services essentiels. Par ailleurs, le commerce équitable a fortement contribué au renforcement des coopératives de producteurs qui, aujourd’hui, savent mieux défendre les intérêts de leurs membres, tant au niveau commercial que politique.