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# Tiltionnaire

L'ignorance pluraliste, c'est quoi ?

Rédaction Tilt le 23/04/2024

6 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Réchauffement climatique, déforestation, pollution… Que de sujets inquiétants pour notre avenir ! Pourtant, peu de personnes agissent vraiment en conséquence. Cette situation t’interpelle ? Une des explications pourrait être un concept encore peu connu en psychologie sociale : l’ « ignorance pluraliste ». On t’explique ça dans ce nouveau Tiltionnaire !

L’ignorance pluraliste : ce qu’on pense que les autres pensent

Imagine être à la fac et avoir l’impression d’être un extra-terrestre parce que tu n’es pas fan de faire la fête un shot de tequila à la main. Eh bien, en 1993, les chercheurs Deborah A. Prentice et Dale T. Miller ont réalisé une étude à Princeton qui a révélé que beaucoup d'étudiants se sentent exactement comme ça. 

Apparemment, même si la norme semblait être de boire beaucoup d’alcool, la plupart des étudiants interrogés avouaient ne pas être à l'aise avec ça, sauf qu’ils pensaient être les seuls à ressentir ça. Ce qui est vraiment drôle (ou pas), c'est que selon l’étude, ces étudiants ont commencé à changer pour s'adapter à ce qu'ils pensent être la norme. Donc, au lieu de rester fidèles à eux-mêmes, ils finissent par boire plus que prévu pour "s'intégrer", en pensant que c’est ce que les autres attendent d’eux.

C’est ce qu’on appelle l’ignorance pluraliste, un concept formalisé par Floyd Allport et Daniel Katz en 1930. L'ignorance pluraliste se produit lorsque les gens sous-estiment ou comprennent mal ce que les autres pensent ou font, souvent en pensant qu'ils sont seuls dans leurs opinions ou leurs choix. Cela peut conduire à suivre le comportement de la majorité en se basant sur des perceptions erronées de ce que les autres pensent ou font vraiment. 

On peut aussi utiliser l’ignorance pluraliste pour comprendre les phénomènes de soumission politique, particulièrement dans les régimes autoritaires. En raison du manque de libertés et de la propagande, il est particulièrement difficile de savoir ce que pensent les autres dans ces pays. Les populations croient souvent que la majorité est favorable, alors même qu’une majorité silencieuse est peut-être hostile au pouvoir en place. Personne n’ose vraiment s’exprimer. Il faut alors souvent un événement déclencheur très fort pour que la réaction soit collective et puissante.

L’ignorance pluraliste en contexte de crise climatique

Le problème de l’ignorance pluraliste, c’est qu’elle donne lieu à un dessaisissement attentiste : en gros, on attend que les autres agissent pour bouger et on s’imite. Les normes sociales intégrées sont vectrices d’inaction : nous adoptons des comportements parce que nous pensons – malgré nous – que la majorité a raison même si ce n’est pas le cas, ou alors parce qu’on n’ose pas affirmer sa différence. C’est pourquoi il existe souvent un décalage entre les opinions individuelles et la norme, même si on affirme tous ne pas se laisser influencer par les autres.

Par exemple, une grande partie de la population est aujourd’hui convaincue de la nécessité de réduire sa consommation de viande pour réduire son impact sur le climat. Pourtant, la norme sociale occidentale reste de manger de la viande, et donc beaucoup de gens, même s’ils sont convaincus à titre personnel, n’osent pas demander de repas végétarien lors de repas commun. Ils ont peur d’être perçu comme « l’écolo de service » ou d’être une contrainte pour le groupe en demandant un traitement spécial. Eh bien, c’est exactement ça : on préfère ne rien changer même si on se dit qu’il faudrait le faire, car on ne veut vraiment pas faire partie du groupe minoritaire ! 

La preuve, à l’inverse, un « omnivore » face à un groupe de végétariens va souvent dire qu’il ne mange pas tant de viande que ça.

Comment résoudre le paradoxe de l’ignorance pluraliste ? 

Agir et rompre le statu quo en manifestant son opinion, c’est aller contre ce phénomène psychologique. Parler du fait qu’on adapte nos choix alimentaires ou de nos moyens de transport pour des raisons climatiques, c’est un bon moyen d’envoyer le signal que la « norme » est en réalité en train de changer et donc de motiver les autres à agir aussi ! Et ça marche en particulier avec les gens dont on est le plus proche.

Des chercheurs l’ont prouvé grâce à une expérience dans des hôtels en Suisse et en Autriche sur la réutilisation des serviettes de bain pour économiser l’eau. Trois types de pancartes ont été placés (séparément) dans les salles de bain de l'hôtel. La première disait juste aux clients de limiter leur consommation de serviettes pour l'environnement. La seconde affichait : "75% des clients de l'hôtel réutilisent leurs serviettes", tandis que la dernière disait "75% des clients de cette chambre ont réutilisé leurs serviettes". Résultat : Le nombre de serviette à laver a été réduit de 40% et les clients ont plus influencés par ce qu’ont fait les clients précédents de la même chambre que si on leur parle juste d’environnement. Donc plus la personne qui nous fait part de son choix nous est proche, plus ses arguments vont avoir un effet sur nous et on va avoir tendance à l’imiter.

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Par Rédaction Tilt

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