L'économie de l'astronaute, c'est quoi ?
La crise climatique met en évidence les limites de nos ressources naturelles : nous vivons devons apprendre à vivre dans une économie de la rareté. Un constat intégré dès les années 1960 par l’économiste Kenneth Boulding qui forge l’idée d’« économie de l’astronaute » en opposition à l’« économie de cow-boys ». Cow-boys contre astronautes, non ce n’est pas le pitch d’un mauvais film de science-fiction, mais des concepts encore très actuels qui ont révolutionné notre façon de voir l’économie et l’écologie.
Les années 1960 ou quand l’écologie entre en scène
Les sixties, l’ère des Beatles, de Woodstock et de la musique psychédélique… Mais c’est aussi une décennie de bouillonnement intellectuel et de profonds bouleversements sociaux, où l’on commence à penser autrement. Au cœur de ces changements, naît un courant de pensée majeur : l’« environnementalisme ». Animés par le souci de préserver la planète des dommages causés par l’Homme, des mouvements sociaux commencent à émerger et à interpeller les pouvoirs publics. C’est le début de la conscience environnementale.
Les années 1960, c’est aussi l’époque de la course à l’espace : au plus fort de la guerre froide, les États-Unis font face à l’URSS dans la course au premier qui marchera sur la Lune ! C’est dans ce contexte qu’un économiste britannico-américain suivant de très près la conquête spatiale, Kenneth Boulding, forge en 1966 le concept d’« économie de l’astronaute ». Il y présente sa vision d’une économie durable et circulaire, à l’image de celle pratiquée dans un vaisseau spatial. Trois ans avant que Neil Armstrong ne pose le pied sur la lune, Boulding traite des limites physiques de la croissance économique à l’échelle de la planète. Mais l’« économie de l’astronaute », c’est quoi exactement ?
Cow-boys vs astronautes : deux économies, deux visions du monde
Pour Kenneth Boulding, les sociétés de son époque pratiquent l’« économie de cow-boys ». Il la définit comme une économie où les frontières n’existent pas et la croissance est infinie. Ce concept renvoie à la manière dont les cow-boys agissaient dans le Far West au 19ᵉ siècle : ils établissaient un campement, exploitaient les ressources locales, puis, une fois ces ressources épuisées, ils se déplaçaient vers une nouvelle destination pour tout recommencer ! Dans ce modèle, le succès se mesure à l’aune de la production et de la consommation : celles-ci ne peuvent qu’augmenter car les réservoirs de ressources sont pensés comme infinis…
Au contraire, l’« économie de l’astronaute » repose sur la perception des frontières de la Terre : on prend conscience du caractère limité des ressources naturelles et tel un astronaute dans un vaisseau, l’économie des ressources devient primordiale. Chaque denrée est comptée et économisée et doit faire l’objet d’un bon usage. Le recyclage devient un mode de vie, une obligation : dis-toi que les astronautes recyclent même leur pipi !
Pour Kenneth Boulding, les années 1960 marquent une période de transition entre une « économie de cow-boys » et une « économie de l’astronaute », avec la prise en compte progressive des générations futures et de leurs besoins.
Un économiste avant-gardiste, architecte de l’économie durable
Kenneth Boulding compte parmi les pionniers de la réflexion sur la durabilité de nos modes de production et de consommation. Il pense l'« économie de l’astronaute » à une époque où l’idée même de développement durable n’existe pas et où prévaut la croyance en une croissance économique illimitée, sans considération pour les limites environnementales.
En s’inspirant de l’espace clos d’un vaisseau spatial, Kenneth Boulding nous permet de visualiser à quoi ressemblerait une vraie économie circulaire. On passe d’une économie fondée sur la production et la valorisation de la consommation et de la croissance à une économie fondée sur la sobriété, la préservation des ressources et la maintenance. En d'autres termes, l'idée est de réduire la production au strict nécessaire et, lorsque l'utilisation du produit est inévitable, de se focaliser sur la réutilisation des éléments qui, en raison de leurs propriétés, ne peuvent pas être simplement rejetés dans l'environnement... C’est un appel à réparer plutôt qu’à remplacer, à prolonger la vie de ce que nous avons déjà.
À une époque où l’Humanité fait face à un défi encore plus colossal que la conquête spatiale – s’adapter et lutter contre le changement climatique – le concept de Kenneth Boulding nous offre un horizon : réduire notre consommation pour vivre dans des sociétés durables, conscientes des limites de notre planète et de la nécessité de la préserver.
« L'économie de l'avenir pourrait être appelée l'« économie de l’astronaute », dans laquelle la terre est devenue un seul vaisseau spatial, sans réservoir illimité de quoi que ce soit, ni pour l'extraction ni pour la pollution, et dans laquelle, par conséquent, l'homme doit trouver sa place dans un système écologique cyclique ».
Kenneth Boulding, économiste, dans « L’économie à venir du vaisseau Terre » (1966).
Pour aller plus loin :
- 50 histoires de mondialisations, l’outrepassement du monde, la représentation du monde. Chapitre 45 : 1965, Le Vaisseau-Terre.
- « From cow-boy economy to spaceman economy », Sustainability for all.
Par Rédaction Tilt
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