
Les tiers-lieux,
c'est quoi ?
Que ce soit un café où retrouver un pote ou un banc dans un parc où discutent des anciens, les tiers-lieux sont partout dans notre quotidien. Ce sont des endroits où on aime se retrouver, échanger, débattre, bref, où il y a de la vie. Avant d’être un concept à la mode décrivant des cafés branchés ou des friches occupées en pleine ville, les tiers-lieux sont des espaces qui répondent à un besoin fondamentalement humain : celui de se rassembler, tout simplement.
À mi-chemin entre la maison et le boulot
Dans les années 1980, le sociologue américain Ray Oldenburg définit le concept de tiers-lieux. Très rapidement intégré dans le vocabulaire courant, il désigne ces endroits qui ne sont ni la maison, ni le travail, mais des espaces de socialisation où se tissent les liens.
Dans son livre The Great Good Place, Ray Oldenburg réussit donc à nommer et à théoriser une réalité jusqu’alors perçue, mais jamais véritablement formalisée. Il donne aux acteurs engagés dans la promotion de la cohésion sociale (État, collectivités, associations) les moyens d’imaginer des espaces publics propices au rassemblement et porteurs d’un sentiment d’appartenance à une communauté.
Cette notion simple nous rappelle aussi que les liens humains ont besoin d’être nourris et que la vie en société peut dépendre de choses très simples : quelques tables, un hôte accueillant et l’envie de rencontrer d’autres personnes.
En Europe, on pense tout de suite aux cafés ou aux maisons de quartier. Sur d’autres continents, ces tiers-lieux prennent des formes différentes.
Des espaces propres à chaque culture
Ces lieux de convivialité, accessibles à tous ceux et à toutes celles qui souhaitent sociabiliser prennent des formes différentes selon les régions du monde.
Dans les pays arabes, les majlis – littéralement les « endroits pour s’asseoir » – sont de grands salons recouverts d’immenses tapis, souvent équipés d’un feu ou d’une cuisinière pour préparer le thé ou le café. Les membres de la communauté, toutes générations confondues, s’y rejoignent pour discuter des événements locaux, partager son quotidien, ses problèmes, parfois pour organiser des cérémonies, comme un mariage ou des condoléances.
En Afrique de l’Ouest, on parle de grins, lieux où les jeunes se rassemblent spontanément autour d’un thé et où l’on parle de tout – du village, du gouvernement ou des dernières nouvelles.
En Inde, on se retrouve dans les addas, ces lieux connus de tous où l’on vient papoter et qui peuvent être des tea shops comme les marches d’un immeuble.
Et en Amérique latine, les plazas jouent un rôle central dans tous les quartiers. Ces places publiques animées et bordées de commerces, de cafés ou de bâtiments publics voient se croiser toutes les générations et toutes les classes sociales venues jouer ou passer le temps.
Ce que ces lieux de socialisation ont en commun ? Ils ne sont pas faits pour ça à l’origine, mais ils deviennent le lieu où l’on se retrouve à force d’usage. Ce sont des espaces informels, bien ancrés dans la vie locale. Ce sont des lieux de brassage social qui jouent un rôle essentiel : briser l’isolement, mélanger les générations, accueillir ceux qui n’ont pas forcément leur place ailleurs.
Là où la parole s’organise
Attention, ces endroits n’ont pas toujours été des endroits sympas où il fait bon se détendre. Historiquement, les tiers-lieux sont aussi des espaces de résistance et d’organisation.
Par exemple, durant la Révolution française, les tavernes et les cafés comme Le Procope à Paris, servaient de points de rencontre pour les penseurs et militants. C’est là que s’élaborent alors des idées nouvelles, que se forment des groupes politiques. Plus tard, dans les maisons du peuple ou bourses du travail se sont également mêlées discussions, convivialité… et luttes sociales.
Dans l’Angleterre du XVIIe siècle, les Penny Universities étaient des cafés où, pour le prix d’un café – un penny –, on accédait à toute une éducation : aux journaux, aux débats, aux discussions intellectuelles. Dans la société très hiérarchisée de l’époque, des profils variés s’y retrouvaient, des universitaires aux banquiers.
Aux États-Unis, les barbershops afro-américains étaient de véritables hubs politiques, dans les années 1960. Ils étaient bien plus qu’un endroit où se faire coiffer : ils étaient de véritables lieux d’expression, de lutte et de solidarité. Durant le mouvement pour les droits civiques, on s’y retrouvait pour échanger des informations, discuter stratégies et organiser des actions politiques.
Un endroit où tutoyer la différence
Les tiers-lieux ont ce pouvoir : ils rassemblent des gens qui ne se seraient peut-être jamais croisés ailleurs. Ouverts, souvent gratuits ou en tout cas abordables, ces lieux sont d'importants espaces de mixité sociale.
Étudiants, familles, cadres, retraités… des personnes d’âges différents et aux parcours de vie variés peuvent s’y rencontrer. Les tiers-lieux sont de véritables melting pots qui permettent à chacun de trouver sa place pour observer, discuter ou ne rien faire. C’est dans ces endroits que se construit le vivre-ensemble, que naissent les idées et que tombent les barrières sociales.
Alors la prochaine fois que tu passes près d’un banc animé, d’un café bruyant ou de ce coin d’ombre vivant… ouvre l’œil. Tu es peut-être à la porte d'un de ces lieux où, doucement, quelque chose de plus grand se tisse.
Et toi, quel est ton tiers-lieu ?
« Lorsque les bons citoyens d’une communauté trouvent des lieux où passer des moments agréables ensemble, sans but précis ou évident, cette association prend pourtant tout son sens. De plus, les fonctions les plus importantes remplies par ces espaces publics informels ne peuvent être assurées par aucune autre institution de la société. Toutes les grandes cultures ont connu une vie publique informelle dynamique, et, nécessairement, elles ont développé leurs propres versions populaires des lieux qui l'accueillaient. »
Ray Oldenburg, sociologue, The Great Good Place
Par Rédaction Tilt
Sources :
- « Il faut redonner au mot tiers-lieu son sens premier, celui d’espace de sociabilité » | Pioche mag
- Démocratiser les tiers-lieux | Cairn.info
- La politisation des tiers-lieux | Cairn.info
- Les tiers-lieux, des espaces citoyens à part entière | Le Courrier de l’UNESCO
- Les Majlis, un espace culturel et social |UNESCO
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