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Pourquoi l'excision est-elle toujours pratiquée ?Florence Chatot

Rédaction Tilt le 06/03/2024

15 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Pourquoi l'excision continue à être pratiquée dans de nombreux pays ? Quels facteurs encouragent le maintien de cette pratique ? Croyance, pression sociale, tradition…Florence Chatot, anthropologue au sein du groupe URD, t’aide à y voir plus clair sur les dessous de l’excision.

Tilt : Sur quoi portent vos recherches ?

Florence Chatot : Actuellement, je travaille sur un projet de santé reproductive, maternelle et infantile, avec un focus sur les violences basées sur le genre au Tchad. Et l'une des deux provinces dans laquelle on intervient est le Mandoul, où 83 % des femmes sont excisées. Ce qu'il m'a été donné de comprendre, c'est justement pourquoi la prévalence de l'excision est si importante dans cette province-là, et pourquoi elle ne baisse pas. Parce qu'on se rend compte que depuis une dizaine, quinzaine d'années, il y a une petite baisse de 7 % qui a été observée, mais elle serait plutôt liée au fait que la pratique est devenue pénalisée. Et avec la pénalisation, souvent vient la sous-déclaration. Ce qui ne veut pas forcément dire qu'elle a diminué dans la réalité.

Quels sont les principaux types de mutilations sexuelles féminines ?

Florence Chatot : On catégorise quatre types d'excision. La première, on l’appelle la clitoridectomie. Ça consiste en l'ablation totale ou partielle du clitoris ou du capuchon clitoridien. La deuxième, c'est l'excision à proprement parler et elle consiste en l'ablation totale ou partielle du clitoris, des petites lèvres et/ou des grandes lèvres. Le troisième type d'excision s'appelle l'infibulation, elle consiste à recoudre l'orifice de la femme pour éviter qu'elle ait des relations sexuelles quand le mari ne l'a pas décidé. Et dans le quatrième type, on met toutes les autres pratiques qui consistent à modifier les organes génitaux de la femme pour des raisons non médicales.

Dans quelles régions du monde est-elle encore pratiquée ?

Florence Chatot : On a tendance à penser que l'excision est une pratique strictement africaine, ce qui n'est pas le cas. C’est vrai que sur les 30 pays qui pratiquent l'excision, 27 se situent en Afrique. Mais 3 autres pays aussi la pratiquent, que sont l'Irak, le Yémen et l'Indonésie. Et ce qu'il faut savoir, c'est que la moitié des femmes excisées habitent dans trois pays seulement : l'Éthiopie, l'Indonésie et l'Égypte.

D’où vient cette pratique ?

Florence Chatot : L'excision est venue bien avant l'introduction des religions monothéistes. Le mythe originel, c'est celui d'une masculinité qu'auraient gardée les femmes à travers leur clitoris et qu'il faudrait corriger. Une femme qui garderait son clitoris ne se serait pas débarrassée de ses attributs masculins et elle n'aurait pas la légitimité d'être reconnue comme telle dans sa communauté.

Quels facteurs favorisent la pratique de l'excision ?

Florence Chatot : La sanction sociale à l'égard des femmes non-excisées est telle que parfois, les mamans préfèrent épargner cette sanction sociale à leurs enfants plutôt que le mal enduré par la pratique elle-même. 

La pratique intègre une multitude d'acteurs très différents qui ont tous un intérêt spécifique à ce que la pratique continue. C’est une pratique qui a un coût, qui va entre 5000 et 10 000 francs CFA. On peut parler d'une économie de l'excision. Et une économie, quand elle fait des profits, elle est très difficile à arrêter, en tout cas à réduire. Mais souvent, les rites subissent l'effet du temps et se transforment.

Le rite initiatique des femmes, initialement, s'appelait le Ndongo, et il n'incluait pas l'excision. L'excision est venue plus tard par l'influence des mouvements de populations d'une part, mais aussi par une influence historique. Dans les années 70, le premier président du Tchad, François Tombalbaye,  a rendu obligatoires l'initiation des hommes et l'initiation des femmes (qui intégrait déjà l'excision à cette époque-là) pour marquer l'opposition avec les pouvoirs coloniaux. Donc c'est une pratique qui s'est un petit peu diffusée à ce moment-là.

Quelles sont les conséquences pour les victimes ?

Florence Chatot : L'excision a beaucoup de conséquences sur la santé des femmes. Des conséquences physiques immédiates, liées à l'acte lui-même, mais aussi les hémorragies, les infections. Et puis des conséquences à long terme sur la vie procréative des femmes. Ça rend plus difficiles certains accouchements, ça peut créer des fistules, des infections à répétition, et des problèmes urinaires. Et puis il y a des conséquences psychologiques importantes liées au traumatisme qui date de la petite enfance.

MasterTilt, c’est quoi ? 

MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.

Santé Égalité de genre

Par Rédaction Tilt

Si le sujet t'intéresse, tu peux aller visionner le documentaire "La jeune fille, les chouettes et les hommes lions - pourquoi l'excision persiste dans le Mandoul" réalisé par Carol Valade, avec Florence Chatot et Nesta Yamgoto et produit par le Groupe URD.

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