droit avortement monde

Interview avec PerrineBonvalet-Döring sur le droità l’avortement dans lemonde, on en est où ?

Rédaction Tilt le 28/09/2022

5 min de lecture 🧠   Niveau « J'y connais rien »

Experte sur les questions de santé à l’AFD, Perrine Bonvalet-Döring revient pour Tilt sur l’état du droit à l’avortement dans le monde et les enjeux qu’il recouvre.

Perrine Bonvalet-Döring est chargée de mission à la division santé et protection sociale de l'Agence française de développement. Cette division s’occupe de renforcement des systèmes de santé et de protection sociale dans les pays en développement.  

perrine

Tilt : En juin dernier, le monde a été choqué par le revirement sur le droit à l’avortement aux Etats-Unis. Mais ce n’est pas le seul pays à avoir durci l’accès à l’IVG. Comment expliquer ce phénomène de régression ? 


Perrine Bonvalet-Döring : Pour remettre un peu dans le contexte, cela fait plusieurs années qu'on sent qu'il y a des résistances et des coalitions de pays conservateurs qui s'organisent au niveau des négociations internationales. Il s’agit de pays qui ne veulent pas promouvoir les droits à la santé sexuelle et reproductive, et plus généralement tout ce qui touche aux droits des femmes. C'est donc plus global. Derrière tout cela, il y a des valeurs sociales, religieuses ou des oppositions entre Occident et pays en développement. Certains pays en développement ont le sentiment qu’il y a une intrusion des pays occidentaux sur ces questions, et s’y opposent, et d’autres ont des gouvernements conservateurs qui appliquent leurs politiques, un peu comme on peut le voir en Europe.

La montée de l’extrême droite ou bien encore de la religion ont directement un impact sur les soins de santé et les droits des femmes. On observe de plus en plus de médecins qui invoquent la « clause de conscience » qui leur permet de refuser de pratiquer une IVG. En Italie par exemple, 80% des gynécologues refusent de pratiquer des IVG. On estime entre 15 000 et 20 000 avortements clandestins chaque année. Cette problématique touche aussi bien les pays du Nord que du Sud.


On évoque beaucoup les régressions mais est-ce qu’il y a aussi eu des avancées depuis le siècle dernier ? 


Il y a quand même eu des progrès notamment sur l’accès à l’avortement. Il existe deux types d’IVG : chirurgicale et médicamenteuse (possible jusqu’à sept semaines de grossesse) ce qui rend les avortements moins invasifs. Mais même si effectivement quelques pays ont fait des progrès, cela reste limité à l’échelle internationale. La tendance est plutôt au retour au conservatisme et à des Etats plus répressifs. 
 

avortement dans le monde

Pourquoi l’accès au droit à l’avortement sûr est-il un enjeu pour le droit des femmes mais aussi un enjeu de santé publique ?


Tout d’abord, le fait de pouvoir disposer de son corps est un droit. Derrière cette question, il y a différents enjeux : le droit de faire ce qu'on veut de son corps, le droit de choisir le bon moment pour avoir des enfants, le droit de refuser des relations sexuelles, le droit d'avoir une sexualité qui nous convienne. Ça fait d'ailleurs partie de la manière dont l’OMS définit la santé, en incluant la santé sexuelle au même titre que la santé physique, mentale... Il s’agit d’un ensemble de droits pour chacun d'entre nous. Pour les femmes, cela se traduit aussi évidemment par le droit de ne pas avoir d'enfant quand elles ne le veulent pas. 


Derrière ce droit, il y a également des enjeux de santé publique. En effet, les avortements non médicalisés, c’est-à-dire ceux qui sont qui ne sont pas réalisés en lien avec du personnel de santé (même dans un cadre non hospitalier), sont considérés comme des avortements à risque. Ils sont responsables de 5% à 13% des décès maternels dans le monde. Ce sont des chiffres alarmants sachant que l’ensemble de ces complications et décès peuvent être évités grâce à l’avortement sécurisé ! Ils sont dus à une mauvaise prise en charge des avortements ou à des infections dans des contextes où les conditions sanitaires ne sont pas réunies et le cadre légal interdit les avortements. Il y a une vraie souffrance, voire un vrai danger pour les femmes qui sont soumises à ce type de pratiques.


En quoi cette question du droit à l’avortement représente-t-elle également un enjeu de développement ?


C’est un des droits des femmes, et à ce titre il participe à leur autonomisation et au fait qu’elles puissent faire en toute liberté leur choix sur leur propre santé sexuelle et reproductive, sur ce qu'elles veulent faire de leur corps, mais aussi le droit de réaliser leurs trajectoires personnelles.


Les grossesses précoces ont par exemple des effets sur la poursuite des études. Les femmes sont souvent contraintes d’arrêter l'école pour s’occuper du foyer ou pour occuper des postes très peu qualifiés, mal rémunérés et qui leur ne permettent pas de s'extraire de la pauvreté. On entre donc dans le cercle vicieux de la pauvreté. Cela a donc un impact à la fois sur la liberté des femmes au niveau individuel mais aussi des effets sur le développement des pays plus globalement.


Même dans les pays où l’IVG est légale, il n’est pas garanti tout le temps que les femmes y aient un accès. Qu’est-ce qui peut l’entraver ? 


Lorsqu’on inscrit un droit dans la loi, cela ne veut pas dire que tout le monde a toujours la possibilité effective d'exercer ce droit. Il existe un ensemble de contraintes qui peuvent empêcher les femmes d'exercer leurs droits. Il y a notamment des enjeux d'accès aux services : il faut pouvoir avoir accès à des services de santé avec du personnel et que celui-ci soit qualifié et bienveillant. Il faut également que ces centres soient bien équipés avec le matériel nécessaire, des médicaments si c'est un avortement médicamenteux et sans trop d’attente. Ensuite, il y a tout un ensemble de contraintes plus sociales, celles liées à la pression familiale et/ou de la société par exemple. 


Que peut-on faire pour améliorer la situation ? 


Il y a un chiffre qui m’a frappé, issu d’un rapport du FNUAP (Le Fonds des Nations Unies pour la population) sur la crise des grossesses négligées. Le rapport explique qu’au niveau mondial, la moitié des grossesses dans le monde ne sont pas intentionnelles, cela représente 120 millions de grossesses par an. De ces 120 millions de grossesses par an qui sont non intentionnelles, il y en a 60 % qui se terminent par un avortement. C’est énorme et cela veut surtout dire qu’il y aura toujours des avortements, il s’agit donc de permettre aux femmes de les réaliser en toute sécurité.

Plus globalement, cela pose la question de l’accès à l’information sur la santé sexuelle et reproductive, l’accès aux contraceptifs et à la planification familiale, l’accès à des services de santé adaptés et bienveillants. Cela pose également la question de la perception de la santé sexuelle et reproductive dans la société et des normes qui lui sont attribuées. Travailler à une meilleure compréhension de ces enjeux peut favoriser un changement de normes et permettre une avancée pour les droits des femmes de disposer de leur corps et de la vie qu’elles souhaitent vivre! Ce sont des enjeux sur lesquels nous travaillons également au sein de l’AFD. 

Inégalités

Par Rédaction Tilt

🙏 Un grand merci à Perrine Bonvalet-Döring pour le partage de son expertise !

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