Climat : les femmes en première ligne 

Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées par le changement climatique et ses effets ? Comment s’articulent les enjeux climatiques et les inégalités de genre ? Camille Le Bloa, experte genre et chargée de mission à l’Agence française de développement, fait le tour de la question dans cette interview !

Tilt - Pourquoi faut-il prendre en compte les spécificités des femmes dans la lutte contre le changement climatique ?

Camille Le Bloa - Parce que les femmes représentent à peu près la moitié de l'humanité. Le changement climatique et ses effets vont affecter de manière différente, dans beaucoup d'endroits, les femmes et les hommes.
Pourquoi ? En raison des inégalités structurelles qui existent dans la société, dans l'accès à l'éducation, l'accès à la santé, l'accès à des moyens de production, par exemple. Les femmes en général sont moins favorisées que les hommes et donc elles vont être plus "vulnérables" aux effets du changement climatique.
Donc c'est important de les intégrer, mais aussi d'analyser "Quelles sont leurs contraintes dans la vie quotidienne ?", pour leur proposer des solutions adaptées. Il y a vraiment un enjeu de justice sociale et de ne laisser personne de côté dans les solutions qu'on va apporter au changement climatique et à ses effets. 

Pourquoi les catastrophes naturelles affectent-elles davantage les femmes ?

D'après les statistiques dans les grosses inondations, tsunamis, etc., la majorité des victimes sont des femmes et des enfants. Dans certains endroits, les femmes ne sont pas instruites ou éduquées de la même manière que les hommes, ni même sociabilisées. Par exemple, elles ne sont pas forcément capables, non pas pour des raisons biologiques, mais pour des raisons sociales, de grimper aux arbres, de nager, d'aller s'abriter facilement. Elles peuvent moins se mettre à l'abri donc elles sont plus exposées, elles sont plus victimes aussi.

Il y a un autre sujet, c'est que souvent, les femmes sont plus présentes peut-être, dans les zones qui sont touchées. On peut penser par exemple au Bangladesh, qui est souvent touché par des inondations massives. Pourquoi ? Parce que ce sont des zones qui sont déjà sous forte pression du contexte environnemental, physique, climatique, etc. Les hommes souvent sont partis en ville ou à l'étranger pour travailler, tandis que les femmes et les enfants restent dans les villages, donc sont plus dans des zones potentiellement exposées à ces risques climatiques.

Comment les femmes peuvent-elles agir face au changement climatique ?

Les femmes peuvent agir en s'adaptant et en participeant aussi à l'adaptation de leur famille. Je pense, par exemple, aux femmes des milieux ruraux des pays dans lesquels on travaille.
Il y a un enjeu de représentation et de participation dans les négociations climatiques internationales. Il faut absolument inclure davantage les femmes dans les représentations, les délégations qui vont prendre les décisions sur les engagements climatiques des pays parce que c'est, encore une fois, un enjeu de justice sociale et environnementale que de représenter tout le monde dans la prise de décision et la participation politique, notamment sur les questions climatiques et environnementales plus largement.

Et enfin peut être pour finir, j'ai envie de dire que le gros des troupes militantes, c'est aussi des filles et des femmes. En fait, je pense que vous pouvez avoir en tête des exemples assez facilement comme, Greta Thunberg ou Camille Etienne en France. Ce sont des mouvements très féminisés aussi.

MasterTilt, c’est quoi ? 

MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.