Comment l'océan régule-t-il le climat ?

Gauthier Carle

Tu savais que l’océan agit comme un thermostat géant pour la planète ? Véritable poumon bleu, il absorbe une grande partie du CO₂, régule la température mondiale et abrite une biodiversité essentielle à notre survie. Mais entre surpêche, acidification, changement climatique…sa santé est en danger critique. Dans cette interview avec Gauthier Carle, Directeur Général Adjoint de la Plateforme Océan & Climat, on explore le rôle vital de l’océan dans la lutte contre le changement climatique. Pourquoi l’océan est-il si peu présent dans les discussions sur le climat ? Que sont les “solutions fondées sur l’océan” ? On t’explique tout dans ce nouveau Mastertilt !

Tilt : Quel est le rôle de l’océan dans la régulation du climat ?

Gauthier Carle : On comprend de mieux en mieux le rôle de régulation du climat que joue l'océan. C'est d'abord sa capacité à produire de l'oxygène, notamment à travers le phytoplancton. Mais c'est aussi son rôle de thermostat de la planète puisque l'océan absorbe l'excès de chaleur émis par les activités humaines, on estime qu'il a absorbé près de 93% de l'excès de chaleur émis par les activités humaines depuis la révolution industrielle, et il la redistribue aux quatre coins du globe à travers les courants.

La seconde dimension, c'est sa capacité à absorber le dioxyde de carbone. On estime qu'il aurait absorbé près d'un tiers des émissions de dioxyde de carbone émis depuis la révolution industrielle. Et ça à travers deux phénomènes. Le premier, c'est ce qu'on appelle la pompe à carbone physique, c'est à dire que le dioxyde de carbone est capté par l'océan dans les hautes latitudes, là où l'eau est froide. Le second phénomène, c'est ce qu'on appelle la pompe à carbone biologique qui repose en fait sur la chaîne alimentaire et notamment le phytoplancton à travers la photosynthèse qui sont ces micro-organismes qui peuplent l'océan, qui vont capter le dioxyde de carbone, le transformer en matière organique et il sera ensuite séquestré dans les fonds marins.

On parle de solutions fondées sur l’océan : qu’est-ce que cela veut dire ?

G.C : On a des solutions qui reposent sur la nature, sur l’océan et qui sont des solutions durables, transversales et résilientes. On les appelle les solutions fondées sur la nature, les solutions fondées sur l’océan. Elles consistent à préserver, restaurer, gérer durablement les écosystèmes marins et côtiers pour rendre à la fois des services climatiques, mais également des services de biodiversité et des services sociaux et économiques.

Ces solutions, elles reposent d’abord sur la préservation des écosystèmes. Préserver les mangroves, c’est préserver un écosystème qui séquestre quatre à dix fois plus de carbone que les forêts terrestres et qui protège les populations côtières des événements extrêmes. Restaurer les herbiers marins, c’est favoriser un écosystème qui capte le carbone et qui constitue un habitat essentiel pour de nombreuses espèces marines. Gérer durablement les récifs coralliens, c’est préserver un écosystème qui abrite plus de 25 % de la biodiversité marine et qui constitue une barrière naturelle contre l’érosion des côtes.

Que peuvent faire les États pour mieux protéger l’océan ?

G.C : Il est urgent de mettre en œuvre des politiques publiques ambitieuses et cohérentes à toutes les échelles. Au niveau international, il faut continuer à renforcer la gouvernance de l’océan, notamment à travers la mise en œuvre du Traité sur la haute mer, qui a été adopté en 2023 après plus de 15 ans de négociations. Ce traité est une avancée historique : il permet enfin de protéger la biodiversité au-delà des juridictions nationales, sur près de la moitié de la planète.

Au niveau européen, il faut continuer à développer une stratégie intégrée pour l’océan, qui prenne en compte à la fois les enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Et au niveau national, il faut mettre en œuvre des politiques maritimes ambitieuses, qui intègrent la planification de l’espace marin, la protection de la biodiversité, la réduction des pollutions, la transition énergétique et la résilience des territoires côtiers.

Mais ces politiques publiques ne pourront être efficaces que si elles s’appuient sur une mobilisation collective. Les scientifiques, les ONG, les entreprises, les collectivités, les citoyens ont tous un rôle à jouer. 

MasterTilt, c’est quoi ?

MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.