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Inclusion sociale : le sport comme solution ? 

Rédaction Tilt le 04/04/2023

6 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Pratiquer un sport ne permet pas uniquement de garder un esprit sain dans un corps sain ! Certaines associations et ONG, mais aussi de nombreux États l’ont bien compris et multiplient les initiatives pour utiliser le sport comme un outil d’inclusion de populations exclues de la pratique, mais aussi victimes de discriminations à l’échelle de la société. Comment s’y prennent-ils ? Comment favoriser une meilleure inclusion dans la pratique sportive ? Typhaine Christiaen, experte du sujet à l’AFD nous en dit plus dans cette interview. 

Typhaine Christiaen est chargée de mission sport et développement au sein de la division lien social à l’Agence française de développement. Dans le cadre de sa mission, elle accompagne le financement de projets qui visent à utiliser le sport comme outil pour atteindre les objectifs de développement durable, notamment en matière d'éducation, de santé, d'égalité entre les femmes et les hommes, de paix et d'inclusion sociale.

Typhaine Christiaen

Tilt : Aujourd’hui, à l’échelle internationale et en particulier dans les pays en voie de développement, qui est éloigné de la pratique sportive ? 

Typhaine Christiaen : Les plus touchés sont les publics vulnérables, généralement marginalisés dans nos sociétés. C’est vrai dans les pays développés, mais encore plus dans les pays en voie de développement. Il s’agit des minorités ethniques, des femmes, des réfugiés, des personnes en situation de handicap

Sur le continent africain, la zone géographique sur laquelle je travaille le plus, il est difficile de mesurer l’ampleur de ce phénomène car nous manquons de données sur la pratique sportive. Mais pour donner quelques chiffres, au Sénégal, un pays très engagé en faveur du sport, selon une étude datant de 2020, moins de 1 % des licenciés de la fédération de football sont des femmes

Qu’est-ce qui empêche ces publics d’accéder à la pratique sportive ?  

Le principal frein, c’est le manque d'infrastructures et notamment d'infrastructures de proximité, facilement accessibles, mais aussi adaptées à certains publics. Par exemple, il y a beaucoup d'infrastructures qui ne sont pas éclairées, ou qui n’ont pas de vestiaires séparés pour les femmes. 
On constate également un manque d'offres sportives et d'équipements sportifs adaptés à ces publics : par exemple des activités et des vêtements adaptés aux femmes et qui respectent les pratiques culturelles et religieuses, des équipements sportifs spécialisés pour le handisport, etc. 

Est-ce que certains facteurs sociétaux contribuent aussi à cet éloignement ?  

Il y a bien sûr des questions de discrimination, de racisme, de stéréotypes que l’on retrouve également dans le milieu sportif. Par exemple, les normes sociales, religieuses et culturelles peuvent être très fortes à l’encontre des femmes et les éloigner du sport. Il y a encore beaucoup de stéréotypes sur le rôle prétendu de la femme dans la société qui consiste à s’occuper des tâches ménagères et des enfants, mais pas de pratiquer un sport !
Les problématiques d’accès à l’éducation sont également un frein important, car la pratique sportive se découvre en premier lieu à l'école. Des publics non scolarisés seront ainsi éloignés de fait de la pratique sportive et cela nuit particulièrement à la participation des femmes et des personnes en situation de handicap. 

Enfin il y a aussi des facteurs individuels liés par exemple au manque de ressources financières, aux rôles dans le foyer ou encore à la santé. La question de la gestion de l’hygiène menstruelle a également un impact très important sur la pratique sportive des femmes, avec de nombreuses filles qui arrêtent le sport à leur puberté.

Quel genre d’initiatives peuvent être mises en place pour lutter contre l’exclusion ? 

Au-delà des volontés politiques de promouvoir l'accès au sport, le monde sportif lui-même se mobilise, notamment au niveau des fédérations et des clubs sportifs, pour développer l'accès du sport aux femmes, aux personnes réfugiées, aux personnes en situation de handicap... C'est par exemple le cas de la FIFA qui a mis en place des actions spécifiques en faveur du développement de la pratique sportive féminine et de l'émancipation des femmes à travers le sport, en Afrique notamment.

Les organisateurs de grands événements sportifs, tels que Paris 2024, essayent aussi dans leur stratégie d'héritage de favoriser l'inclusion de ces publics par différents canaux : des activités de sensibilisation à l'occasion des événements, la médiatisation de certains publics, un accompagnement d’organisations de la société civile investies sur ces thématiques… 

Des exemples de projets inspirants ?

Parmi les initiatives assez marquantes en termes d'intégration de publics spécifiques, il y a l'association « Pour le sourire d'un enfant » pour le projet « Escrime, justice réparatrice » mené au Sénégal. L’association utilise l'escrime pour favoriser la réinsertion sociale et lutter contre la récidive de jeunes détenus dans la prison de Thiès au Sénégal. L’objectif est à la fois de favoriser la pratique sportive, de travailler sur le développement personnel, l'autonomisation des jeunes et l'estime de soi. Ce projet accompagne aussi directement les éducateurs au sein des prisons pour qu'ils puissent s'approprier cette méthodologie, ce qui leur permet de changer leur regard et d'avoir une autre relation avec les jeunes détenus. On constate aujourd’hui que cette méthodologie fonctionne, car les jeunes qui participent au programme ne récidivent pas.  

De manière plus générale, le sport est vecteur de valeurs autour du respect, de la tolérance, du vivre ensemble, de l'acceptation de l'autre et aussi du dépassement de soi. C'est aussi pour cela qu'aujourd'hui, le sport est beaucoup utilisé dans des situations de tensions interethniques, entre certaines classes de la population ou dans des situations post-conflit. Par exemple, l’ONG ICODI (Integrated Community Development Initiative) propose des activités sportives au sein du camp de réfugiés de Nakivale dans le district de Isingiro en Ouganda. Dans ce camp, qui compte plus de 120 000 réfugiés dont 48 % de jeunes, on constate des tensions et de la violence entre populations réfugiées et avec les populations locales. L’ONG utilise le sport comme outil pour rassembler les populations autour de valeurs universelles de respect et de tolérance qui sont celles du sport.

Quel rôle peuvent jouer les athlètes dans ces changements de mentalités ? 

Les athlètes aujourd'hui sont des modèles avec un pouvoir d’inspiration et de mobilisation important tout particulièrement auprès de la jeunesse. Ils peuvent faire passer des messages de manière beaucoup plus efficace et impactante. C’est pour cela que nous essayons de mobiliser des athlètes sur l'ensemble de nos événements de sensibilisation et de mobilisation autour du sport. On a travaillé par exemple avec Arnaud Assoumani, un athlète paralympique très engagé sur les questions de handicap et d'éducation par le sport. 

Est-ce que certains pays sont moteurs sur ces sujets ?

En Afrique, certains gouvernements sont de plus en plus conscients du pouvoir du sport comme outil de cohésion sociale et de mobilisation de la jeunesse. C’est pourquoi ils mettent en place des politiques pour développer la pratique sportive de masse. Je pense notamment au Sénégal, au Maroc, au Nigéria, à la Côte d'Ivoire, à l’Afrique du Sud, mais il y en a d’autres. 
Ces politiques se concentrent sur le développement d'infrastructures de proximité accessibles aux jeunes et aux communautés locales mais aussi sur l’accès à la pratique sportive pour tous et toutes (notamment pour les femmes et les personnes en situation de handicap).

Le Sénégal en particulier est très engagé sur cette thématique, car il sera le pays hôte des prochains Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2026. C'est un événement unique, car il s’agira de la première compétition olympique organisée sur le continent africain. Dans ce contexte, il y a une vraie volonté du gouvernement sénégalais de développer l’accès à la pratique sportive pour tous grâce à la construction et la rénovation d’infrastructures de proximité et le développement du sport dans les établissements scolaires. 

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Par Rédaction Tilt

🙏 Un grand merci à Typhaine Christiaen pour le partage de son expertise !

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