La diplomatie féministe :

un rempart au backlash ?

Lucie Daniel

La diplomatie féministe est un véritable outil de transformation des relations internationales. Mais qui en sont les principaux acteurs et actrices ? Quel rôle joue-t-elle dans la lutte contre les forces réactionnaires ? Et comment expliquer le backlash actuel contre les droits des femmes ? Face aux attaques croissantes sur les droits des femmes et des minorités, la diplomatie féministe se positionne comme un rempart essentiel.

Lucie Daniel, responsable Plaidoyer chez Equipop, nous éclaire sur l'importance de cette diplomatie pour bâtir un monde plus juste et égalitaire.

Tilt – Qu’est-ce que la diplomatie féministe ? 

Lucie Daniel : La diplomatie féministe a été d'abord théorisée par la Suède dans les années 2010 par la ministre par la ministre des Affaires étrangères de l'époque, qui a proposé une diplomatie basée sur trois “R”. Le “R” de “Rights” : les droits. Donc, c'est l'idée que ces diplomaties féministes sont guidées par les droits humains et ont pour objectif de défendre ces droits. Le “R” de “Representation”. Donc ça, c'est la représentation. L'idée que les diplomaties féministes doivent œuvrer à une représentation de femmes dans les ministères et dans les postes décisionnaires, dans les processus internationaux. Les processus de paix, par exemple, où on sait qu'elles sont très largement sous-représentées. Et puis il y a le “R” de “Resources”. Donc là, c’est les ressources, c'est l'argent. C'est l'idée que les diplomaties féministes doivent prioriser le financement des mouvements féministes qui sont les premières actrices pour faire avancer les droits des femmes et doivent également se donner les moyens en interne de mettre en œuvre ces politiques publiques. En formant, par exemple, les cadres diplomatiques sur la question de l'égalité de genre.

Tilt – Quel rôle la diplomatie féministe peut-elle jouer face à la montée des discours réactionnaires ? 

Lucie Daniel : Pour faire face à cette offensive réactionnaire, les diplomaties féministes ont plusieurs rôles à jouer. D'abord, il y a un rôle de soutien vis-à-vis des associations et des mouvements féministes qui sont à la fois la cible de ces attaques et le premier rempart contre ces mouvements anti-droits. Donc il faut leur allouer des financements pour qu'elles puissent mettre en œuvre leurs actions et il faut aussi les soutenir politiquement. Donc si ces activistes sont menacées et sont la cible d'attaques, il est très important que des États, comme la France, réaffirment leur soutien à leurs combats à la tribune de l'ONU, ou ailleurs. Ensuite, il y a aussi des leviers diplomatiques. Donc ça, concrètement, ça veut dire qu’il faut que les diplomates de la France et d'autres pays alliés se battent jusqu'au bout dans les négociations internationales pour ne pas céder du terrain aux mouvements anti-droits.

Tilt – Quelles sont les forces qui alimentent le backlash ? 

Lucie Daniel : Ce backlash, il est alimenté par des coalitions très hétéroclites, c'est-à-dire qu'on va avoir à la fois des États avec des politiques conservatrices, des États autoritaires, et on va avoir aussi des groupes issus d'organisations anti-droits, certains groupes aussi issus de divers fondamentalismes religieux. Et ce qui est assez frappant, c'est qu'on va voir des fois des États complètement opposés sur le plan géopolitique, par exemple des États qui sont en conflit ouvert ou qui sont dans des guerres économiques. On va voir ces États-là se réunir et se serrer les coudes, d'une certaine manière, dès qu'il s'agit d'attaquer les droits des femmes, parce que c'est quelque chose qui les rassemble.