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La fenêtre d’Overton : c’est quoi ?

Rédaction Tilt le 25/05/2023

6 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Pourquoi les politicien.ne.s usent-ils constamment de phrases chocs pour créer le buzz ? Les mobilisations écolo jugées  “radicales” sont-elles vraiment contre-productives ? La réponse est à trouver du côté du concept de “fenêtre d’Overton”, une expression pour symboliser ce qui est acceptable dans une société à un moment donné et ce qui ne l’est pas !

Pourquoi parler de fenêtre ? 

Dans les années 1990, le juriste et lobbyiste américain Joseph P. Overton utilise cette expression pour désigner le fait que les idées qui sont jugées acceptables par la population sont toutes à l’intérieur d’un périmètre précis. Une sorte de fenêtre, en quelque sorte. À l'intérieur, se trouvent les idées perçues comme des propositions politiquement et socialement légitimes et à l’extérieur, les idées perçues comme radicales et donc rejetées par une grande partie des gens. 

Pour Joseph P. Overton, qui est alors vice-président senior du Mackinac Center for Public Policy, c’est une question pragmatique. Quand on exprime une idée qui est à l’intérieur de la fenêtre, elle est comprise et éventuellement adoptée. Mais si on franchit la frontière, on s’exclut du débat. Ça veut dire qu’en politique, il faut bien viser cette fenêtre imaginaire pour gagner des voix.  Ou alors, il faut savoir comment la faire bouger…

Une fenêtre qui se déplace ? 

Car la fenêtre d’Overton est mouvante : elle correspond à une société donnée à une époque précise. Elle se déplace en même temps que l’évolution des opinions. Les exemples sont nombreux :

On peut penser à l'époque de la prohibition aux États-Unis. Il y a quelques générations à peine, la vente et la consommation de boissons alcoolisées étaient complètement interdites par la loi fédérale. Aujourd'hui, la plupart des gens se moquent de ce qu’ils considèrent comme une loi absurde, et peu de politicien.ne.s soutiennent l'idée de rendre l'alcool à nouveau illégal.

Mais aussi le droit à l’avortement, qui était une idée radicale et inadmissible pour la majorité des politicien.ne.s dans la première moitié du XXème siècle. L’opinion a changé, et dans beaucoup de pays, l’avortement est progressivement entré « dans la fenêtre » : on pouvait en discuter, en débattre. En 1975, il a été légalisé en France. Mais bien sûr, rien n’est figé, et il est possible que la fenêtre se déplace dans l’autre sens.

Comment faire bouger la fenêtre d’Overton ?

Parfois, les politicien.ne.s peuvent déplacer eux-mêmes la fenêtre d'Overton en soutenant courageusement une politique située en dehors de la fenêtre, mais c’est assez rare. Le plus souvent, la fenêtre se déplace en fonction d'un phénomène beaucoup plus complexe et dynamique, qu'il n'est pas facile de contrôler d'en haut : la lente évolution des valeurs et des normes de la société.

Une autre méthode pour faire bouger cette fenêtre consiste à exposer régulièrement l’opinion publique à des idées auparavant considérées comme extrêmes, en les rendant plus visibles dans les médias et les réseaux sociaux. Cette exposition répétée peut graduellement normaliser ces idées et les rendre moins choquantes, les faisant entrer progressivement dans la fenêtre acceptée. Il est important de noter que le déplacement de la fenêtre d'Overton peut être utilisé à des fins positives, en favorisant des changements progressistes, ou à des fins négatives, en normalisant des idées extrémistes. 

Par exemple, certains modes d'action d'activistes écologistes jugés "radicaux", comme bloquer une route, s'attacher à des équipements publics, perturber des événements sportifs...ou projeter de la soupe sur un tableau, se situent en dehors de la fenêtre d'Overton mais contribuent tout de même à déplacer la fenêtre. Ainsi, des manifestations, des projets de loi, ou d’autres modes d'action perçus comme moins radicaux en comparaison seront mieux acceptés par la société.

A l’inverse, l’extrême-droite américaine a repris le concept de fenêtre d’Overton avec l’objectif de faire entrer des idées très radicales dans la fenêtre. Or, comme nous avons tendance à réagir au contexte et par comparaison, à force d’entendre des idées inadmissibles, ultra-racistes, provocatrices, les idées « simplement » xénophobes ou « un peu racistes » se banalisent. 

Qui a le pouvoir d’action ?

La fenêtre d'Overton ne décrit pas tout le fonctionnement de la politique. Mais elle décrit une chose essentielle : les institutions sociales – c’est-à-dire les familles, les associations, les lieux de travail, les amis, les médias, les groupes de réflexion, les écoles, les organisations caritatives et bien d'autres - jouent un rôle plus important que ce qu’on pense dans l'élaboration de nos politiques. L’opinion publique se forge surtout dans la vie réelle, dans les discussions entre amis, les mouvements, les associations, les collectifs, les partis... Et que les techniques de manipulation ont une faiblesse : elles perdent énormément de leur force quand on connait le mécanisme


La fenêtre d'Overton ne décrit pas tout sur le fonctionnement de la politique, mais elle décrit une chose essentielle : les politiciens n'épouseront que des politiques qui, selon eux, ne nuiront pas à leurs chances électorales. 

Joseph P. Lehman, associé de Joseph P. Overton

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