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# Deep Tilt

Le changement climatiqueaggrave-t-il la soif dansle monde ?

Oxfam x Tilt le 21/09/2023

8 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

À mesure que la Terre se réchauffe, l'eau s'évapore davantage, ce qui entraîne plus d'humidité dans l'air, des tempêtes plus violentes et des changements dans la façon dont il pleut. De manière paradoxale, cette humidité supplémentaire signifie aussi que davantage de personnes pourraient ne pas avoir accès à de l'eau potable. Et moins d’eau, ça veut aussi dire des mauvaises récoltes, la perte de bétail, une augmentation de la pauvreté, plus de conflits (à la fois locaux et entre pays), un risque accru de violences sexuelles et basées sur le genre, ainsi que des migrations forcées de familles et de communautés. On t’explique tout ça avec Oxfam !

Le chiffre qui fait Tilt !

32 millions

C'est le nombre de personnes dans la Corne de l'Afrique qui sont aujourd'hui confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en raison d’une sécheresse qui persiste depuis cinq ans, aggravée par les conflits et la pauvreté.

Le dérèglement climatique à la source du problème

Le droit à l'eau constitue un droit humain fondamental, au même titre que le droit à un niveau de vie suffisant, tel qu'explicité dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels . Dans son rapport « Les dilemmes de l’eau », Oxfam montre comment les changements climatiques entraîneront une augmentation de l’insécurité hydrique dans différentes régions du globe, déclenchant ainsi une spirale d’aggravation de la faim, des maladies et des déplacements de population.

Quels sont les pays étudiés par Oxfam ? 

Les recherches d'Oxfam ont porté sur 20 pays pour lequel l’association a étudié les effets des changements climatiques sur la sécurité hydrique

➡️ La sécurité de l’eau se définit comme étant la capacité d’une population à préserver l’accès à des quantités adéquates d’une eau de qualité acceptable, pour assurer des moyens de subsistance, un bien-être humain,  un développement socioéconomique durable, protéger contre la pollution transmise par l’eau et les catastrophes liées à l’eau et préserver les écosystèmes dans un climat de paix et de stabilité politique.

Dans ces 20 pays particulièrement exposés, les projections climatiques augurent des effets dévastateurs en termes d’insécurité alimentaire et de propagation des maladies. Certains sont également classés comme « fragiles et touchés par des conflits », caractérisés par une pauvreté extrême et persistante, des moyens de subsistance précaires, des déplacements forcés et une faible capacité des institutions. Les régions étudiées sont la Corne de l’Afrique, l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Ouest, le Moyen-Orient et l’Asie.

map monde

Moins d’eau douce pour nos besoins

En altérant les cycles hydriques naturels, le changement climatique remet en question la disponibilité, l’accès et la qualité de l'eau, et amplifie donc l'insécurité hydrique dans de nombreuses régions du monde. Les inondations, de plus en plus fréquentes et dévastatrices dans de nombreuses régions, sont l'une des manifestations les plus visibles de cette crise. C’est le cas par exemple en Libye, où la tempête Daniel a provoqué des inondations destructrices. Pourtant, de manière paradoxale, à mesure que la situation climatique s'aggrave, l'accès à de l'eau potable devient un défi croissant pour des millions de personnes.  Comme à Mayotte, où la pénurie d'eau s'aggrave. La préfecture a été contrainte de couper l'eau 2 jours sur 3 fin août 2023, ce qui a entraîné des problèmes de déshydratation et de santé parmi les habitants.

Il y a plusieurs raisons à cela : les réserves d'eau dans les terres diminuent, et le niveau de la mer, en constante augmentation, favorise la salinisation des eaux souterraines. Résultat : moins d'eau douce disponible pour nos besoins essentiels, ainsi que pour la survie des écosystèmes côtiers. De plus, la hausse des températures de l'eau, combinée à une augmentation des inondations et des sécheresses, aggrave la pollution de l'eau.


Et plus de ruissellement de surface

Selon l’étude d’Oxfam, les précipitations vont également augmenter, surtout en Afrique de l'Est et en Afrique de l'Ouest, avec environ 7 % de pluie en plus dans ces régions. On pourrait penser qu’une augmentation des précipitations signifie plus d’eau disponible, mais l'étude met en garde contre un effet secondaire néfaste trop souvent oublié : le ruissellement en surface. C’est ce qui se produit quand le sol ne peut pas absorber toute l'eau, par exemple, lors de fortes pluies. Donc dans beaucoup de cas, plus d'eau signifie aussi plus de ruissellement en surface, surtout si les infrastructures adéquates ne sont pas mises en place pour gérer ce surplus d'eau. Le résultat direct c’est moins d'eau potable disponible et une érosion du sol fertile. L’augmentation du ruissellement de surface accroît également le risque de contamination de l’eau en entraînant des sédiments, des impuretés et des agents polluants dans les réserves d’eau douce.

disponibilité en eau

Des conséquences en cascade

Ces perturbations du cycle de l’eau ont différents effets pour les populations. Car la paix, la santé, l'éducation, l'égalité entre les sexes, des villes durables, la croissance économique, tout cela dépend en fin de compte de l'accès des populations à de l'eau propre.

L’insécurité alimentaire

Les ressources en eau jouent un rôle crucial pour l'irrigation des terres agricoles, et le fonctionnement industriel et la production alimentaire dépendent donc intrinsèquement de ces précieuses ressources hydriques. C’est pourquoi, lorsque les sources d'approvisionnement en eau s'amenuisent, les activités essentielles en pâtissent grandement. Les récoltes fléchissent, ce qui met en péril la sécurité alimentaire, et la santé subit un coup dur avec la montée en flèche des maladies liées à l'eau, créant ainsi un cercle vicieux de vulnérabilité. Selon Oxfam, 11,3 millions de personnes risquent de sombrer dans la famine en raison des impacts du réchauffement climatique d’ici 2050 dans 10 pays parmi les plus exposés aux risques climatiques. Ce phénomène pourrait même exposer jusqu’à 32 millions de personnes à une insécurité alimentaire aiguë.

cultures assechées

➡️ L’insécurité alimentaire : Une personne est en situation d'insécurité alimentaire lorsqu'elle n'a pas un accès régulier à suffisamment d'aliments sains et nutritifs pour une croissance et un développement normal et une vie active et saine. Cela peut être dû à l'indisponibilité de nourriture et/ou au manque de ressources pour se procurer de la nourriture. L'insécurité alimentaire peut être ressentie à différents niveaux de gravité. Il peut se traduire par une détérioration de la qualité du régime alimentaire et, par conséquent, accroître le risque de diverses formes de malnutrition, ce qui peut entraîner dénutrition ou surpoids et obésité. 

La santé en danger

Les communautés qui manquent d'accès constant à une alimentation suffisante et nutritive ainsi qu'à une source d'eau potable propre sont plus susceptibles de souffrir de malnutrition, de retard de croissance chez les enfants et de problèmes de santé chroniques. L'insuffisance alimentaire peut affaiblir le système immunitaire, rendant les individus plus vulnérables aux infections et aux maladies. Par ailleurs, la consommation d’eau qui ne serait pas potable, en tant que dernier recours, peut également entraîner la propagation de maladies d'origine hydrique.

Dans les 20 pays étudiés, les projections montrent par exemple qu’en Afrique de l'Est et en Afrique centrale, jusqu'à 30 000 enfants de moins de 15 ans pourraient décéder des suites de maladies diarrhéiques d'ici 2050 si la température mondiale augmente de 1,5 °C à 2,1 °C. En Asie, on prévoit une augmentation de 125 % des cas de paludisme en moyenne par an d'ici 2050.

eau non potable

Plus de migration et d’instabilité

Les conséquences s'étendent aux sphères sociales et politiques. L'accès limité à l'eau et aux ressources crée un terrain propice aux conflits. Les tensions locales et régionales s’amplifient. Les communautés fragilisées par ces crises se voient contraintes à la migration, cherchant refuge dans des régions épargnées par les événements. Selon des rapports de la Banque mondiale, d'ici 2050, environ 216 millions de personnes pourraient être contraintes de quitter leur domicile à l'intérieur de leur propre pays en raison du changement climatique. 
 

déplacement de population

Une augmentation des inégalités économiques

Dans un contexte où l'insécurité hydrique et alimentaire atteint des niveaux critiques, les répercussions sur l'emploi sont significatives. Les agriculteurs et les éleveurs sont les plus durement touchés, intensifiant ainsi les inégalités économiques. La diminution de la production agricole entraîne des pertes d'emplois dans ce secteur. La malnutrition affecte la santé des travailleurs, entraînant des absences et une productivité réduite. L'instabilité économique résultant de ces problèmes peut impacter d'autres industries. De plus, les déplacements de population accentuent la pression sur les marchés du travail. 

Quelles solutions ?

À une époque où les inégalités ne cessent de prendre de l'ampleur et où l'interconnexion des enjeux environnementaux et sociaux s'impose comme une évidence, se pencher sur la complexité de cette réalité devient une étape incontournable pour mieux les confronter. La résolution de ces défis interconnectés exige une approche globale. 

L’urgence : réduire nos émissions de CO2

Oxfam a émis dans son rapport un appel aux gouvernements mondiaux pour prendre des mesures significatives  afin de lutter contre les changements climatiques et l'insécurité hydrique. Les principales recommandations comprennent la réduction drastique des émissions de tous les pays, en particulier les nations riches et polluantes, avec des contributions nationales plus ambitieuses pour limiter le réchauffement à moins de 1,5 °C. 

Investir dans la gestion durable de l’eau

Il est également crucial d'investir dans la sécurité hydrique et la gestion durable de l'eau en augmentant le financement à long terme des programmes Water Sanitation and Hygiene (WASH) adaptés aux changements climatiques. Les politiques et plans nationaux concernant l'eau, l'assainissement et l'hygiène devraient encourager la participation et le leadership des femmes, tout en priorisant l'Objectif de développement durable n°6 « Eau propre et assainissement » (ODD6, ONU).

Prendre en compte l’égalité de genre

OXFAM recommande aussi une approche basée sur les droits et l'égalité des genres pour réduire les inégalités historiques et actuelles en matière d'accès à l'eau. En effet, depuis longtemps, on sait que les femmes et les filles subissent davantage les problèmes liés à l'eau. Dans les campagnes, elles sont parfois obligées de marcher sur de longues distances jusqu'à des endroits éloignés et peu sécurisés pour trouver de l'eau.

L’importance de la solidarité internationale

Enfin, selon OXFAM, les pays riches doivent tenir leur promesse de fournir 100 milliards de dollars par an pour aider les pays pauvres à lutter contre le changement climatique et à indemniser les pertes causées par celui-ci. Les recommandations incluent également la possibilité d'annuler la dette des pays à faible revenu qui ont besoin d'aide pour s'adapter au changement climatique et à l'insécurité liée à l'eau.

Alimentation

Par Oxfam x Tilt

Une infographie réalisée en partenariat avec Oxfam 
✏ (texte) Yann Goderon x Myriam Dahman
✏ (illustrations) JeanJean Factory 

 

Sources : 
•     "Les dilemmes de l'eau : l'insécurité hydrique et ses répercussions en cascade dans un monde qui se réchauffe", Rapport Oxfam
•    "La faim dans le monde", FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.  
•    Observation Générale n°15, CDESC, 2002

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