Martin Boudot : « Les journalistes reçoivent beaucoup de pression »
Associer des journalistes et des scientifiques pour mettre au jour des scandales environnementaux, c’est le pari de Martin Boudot, journaliste d’investigation et réalisateur de la série documentaire « Vert de rage ». À l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, il revient sur ses enquêtes et invite chacun.e d’entre nous à exercer son esprit critique face au flot d’informations.
Tilt - Comment exercez-vous le métier de journaliste d’investigation ?
Martin Boudot - Journalisme d'investigation, c'est quoi ? C'est un journaliste qui a du temps et qui essaie d'être le plus rigoureux possible. Je vais aller sur le terrain, je vais faire des prélèvements à différents endroits que l'on a repérés. Et puis, en fonction de ce que les scientifiques m'ont dit, je vais réaliser des analyses, des prélèvements et puis ils vont les interpréter, les analyser en laboratoire, ce qui nous permet vraiment d'avoir un partenariat gagnant-gagnant et d'apporter du fait scientifique dans la discussion environnementale.
La liberté de la presse est-elle en danger ?
Aujourd'hui, très clairement, la liberté de la presse est en danger. On voit plusieurs dangers immédiats, dans le monde, des pressions et des contraintes de plus en plus importantes pour les journalistes pour avoir simplement accès aux informations, aux terrains. Dans des pays occidentalisés comme nous par exemple en France, si on ne meurt pas d'être journaliste, on reçoit quand même beaucoup de pressions, notamment des pressions juridiques qui peuvent nous empêcher d'enquêter parce qu'on se dit : si je vais sur cette boîte-là, je vais me prendre 35 avocats sur le dos. Si nous on perd ça, on ferme, en gros. On existe plus. Donc ça peut aussi démotiver certains titres de presse, certaines émissions aussi d'enquêter.
Le côté positif dans ce qui se passe en ce moment, c'est qu'il y a plein de modèles alternatifs qui sont créés, des médias indépendants, des ONG qui font également du travail d'investigation, je pense, par exemple, au travail que fait Forbidden Stories, qui est un collectif qui reprend les enquêtes des journalistes qui sont menacés, assassinés dans le monde. C'est eux qui ont sorti, par exemple, le scandale de Pegasus, ce scandale d'espionnage d'une entreprise israélienne qui mettait, en gros, un mouchard sur votre téléphone et qui avait mis cette technologie à la portée de tous les pouvoirs autoritaires du monde, qui devait être normalement antiterroriste et qui, en fait, sert à surveiller des lanceurs d'alerte, des gens qui travaillent sur les droits humains, etc.
Des conseils pour la jeune génération ?
Il y a le fait de s'informer. Ce qui se passe à l'autre bout du monde, on croit souvent que c'est loin de nous. En réalité, ça a un impact direct sur notre vie à nous. Je dis souvent : '' À économie mondialisée, pollution partagée. ''. Ce n'est pas parce qu'une pollution au charbon se passe en Pologne, qu’elle n'a pas d'impact sur notre air à nous. En réalité, l'air circule, il ne s'arrête pas aux frontières. Ce n’est pas parce que l'industrie textile va utiliser une chimie en Indonésie que ça n'a pas d'impact sur nous. Les produits chimiques peuvent se retrouver sur nos habits. Donc c'est important de s'informer. Parce que l'information, c'est la première pierre de la décision.
Et puis, quand vous avez des articles, ou des infos qui sont sur des sites internet, et que les personnes mises en cause, ou les organismes mis en cause, ne sont pas interrogés, c'est mauvais signe. Ça veut dire qu'on essaie de vous faire avaler une vérité, qui est la vérité du site, mais qui n'est pas la vérité réelle. Nous, notre premier travail, c’est de faire du contradictoire. On récupère une information, on la process, et derrière on va la vérifier. Et on va la vérifier avec les personnes mises en cause. On ne sort jamais une information sans avoir au préalable contacté les personnes ou les organismes mis en cause. Si vous avez des sites qui vous assènent des vérités et qui ne mettent pas en place le contradictoire, méfiez-vous. Un conseil que je donnerais, c'est : abonnez-vous à des titres de presse, soutenez votre presse, locale ou régionale, nationale qui vous semble être vraiment importante.
MasterTilt, c’est quoi ?
MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’études : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.
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Fais-tu confiance aux médias ?
Par Rédaction Tilt
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