champ arrosé de pesticides
# Deep Tilt

Les pesticides, dursà avaler ?Partie 1 : État des lieux

Rédaction Tilt le 29/12/2023

10 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Sur les fruits et légumes, dans l’eau et le vin, sur les habitations, dans l'urine et même dans l'air, on trouve des traces de pesticides absolument partout ! D’après l’Atlas des Pesticides de 2023 publié en mai par la Fondation Heinrich Böll, des quantités de pesticides plus importantes que jamais sont utilisées dans le monde entier. Aujourd’hui, plus de 1000 pesticides sont employés dans le monde : une propagation croissante malgré la prise de conscience de plus en plus grande des conséquences néfastes sur la santé humaine et sur l’environnement. Dans cette première partie de notre série Deep Tilt consacrée aux pesticides, on t’explique pourquoi les pesticides …c’est si dur à avaler !

Le chiffre qui fait Tilt !

4 millions

Aujourd'hui, on consomme 4 millions de tonnes de pesticides dans le monde, et il n'y a pas de diminution en vue, bien au contraire...

L'histoire des pesticides

Tous les ans, entre 20 à 40% de la production alimentaire mondiale est perdue à cause d’organismes nuisibles et des maladies des végétaux selon la FAO. Entrent alors en jeu les pesticides qui permettent d’éviter ces pertes alimentaires. Mais ils laissent des (mauvaises) traces partout ! Pourquoi les pesticides dominent-ils nos cultures ? Comment le marché des pesticides explose-t-il ? Où vont vraiment les pesticides ? 

Déjà, c'est quoi des pesticides ?

Selon l’Union européenne, le terme de « pesticides » désigne les produits qui visent à détruire, empêcher ou contrôler la présence d’êtres vivants nuisibles à une plante ou à une denrée agricole, pendant la production, le stockage et le transport. Le principal objectif de l’usage des pesticides est de sécuriser la production agricole, en diminuant le risque de forte perte de rendement ou de mauvaise conservation causées par les organismes nuisibles.

Ces derniers sont à usage agricole et sont classés en 3 principales catégories, en fonction des organismes nuisibles qu'ils combattent. On distingue :

diagramme circulaire insecticide fongicide herbicide
 

Le temps d'avant les pesticides

Mais les pesticides, ça n’a pas toujours existé. Avant que leur usage se généralise, les populations utilisaient des méthodes agricoles permettant de lutter naturellement contre les organismes nuisibles, comme la rotation de cultures ou l’association de cultures

Avant de plonger dans l’âge d’or des pesticides, voici quelques exemples de pratiques culturales qui combattent naturellement les nuisibles : 
 

graphique rotation de culture


C’est la succession des cultures sur une même parcelle sur plusieurs saisons. Le choix de la succession est alors important afin de lutter contre les nuisibles. 

  • Le plus : stabilité des rendements – compensation entre les cultures, préservation des sols, réduction des maladies et ravageurs, résilience aux changements climatiques
  • Le moins : gestion complexe (planification précise), rendements initiaux parfois plus bas, moins adaptés à certaines cultures spécifiques

graphique association de cultures
C’est associer sur une même parcelle certaines espèces ou variétés, afin de rendre l’environnement hostile aux nuisibles au moment de l’implantation et au cours du cycle de vie de la culture

  • Le plus : optimisation de l’espace, synergies entre les différentes cultures, réduction des maladies et ravageurs, résilience aux changements climatiques, amélioration des sols (ex : légumineuses)
  • Le moins : gestion complexe (nécessite des connaissances approfondies), rendements initiaux parfois plus bas.

graphique monoculture

C’est la culture d’une seule espèce de plante sur une grande surface qui reste la même d'une année sur l'autre.

  • Le plus : rendement élevé, gestion simplifiée, mécanisation facilitée
  • Le moins : vulnérabilité aux maladies et ravageurs, appauvrissement des sols, fragilité accrue aux risques climatiques, dépendance aux intrants chimiques, impact environnemental inquiétant

L'arrivée des pesticides dans nos agricultures

Avec la révolution industrielle apparaissent les premiers pesticides de synthèse destinés à protéger les cultures et diminuer le travail nécessaire aux cultures (désherbage).  

Après quoi, ils se répandent de plus en plus : 

frise chronologique
Conséquence : Peu à peu, les agriculteurs ont privilégié les monocultures et donc les pesticides pour entraver les maladies et nuisibles dans leurs cultures. Cela a rendu l’agriculture intensive fortement dépendante des pesticides (et des firmes qui les vendent) - … voire inconcevable sans ! Et même si la production agricole mondiale a plus que doublé depuis les années 1950, ces rendements agricoles atteignent aujourd’hui un plafond ; on note même une diminution dans de nombreuses zones de cultures spécialisées. 

Le royaume des pesticides

D’après l’Atlas des Pesticides, le marché mondial des pesticides a atteint une valeur de 84,5 milliards de dollars US en 2019.

Il a doublé depuis les années 1990 et son expansion se poursuit encore aujourd’hui…

Qui consomme les pesticides ?

C'est en Amérique du Sud que le volume de pesticides déversés dans les champs est le plus élevé, avec une moyenne supérieure à 5 kg par hectare de terres cultivées en 2019. Des pays comme la Colombie et l'Équateur consomment même plus de 10 kg par hectare, alors que le Costa Rica est le champion du monde : plus de 20 kg par hectare. L'Asie fait également partie des régions où ils sont le plus massivement utilisés par les agriculteurs, avec une moyenne comprise entre 3 et 4 kg/ha. Des pays comme la Chine et la Corée du Sud dépassent même allègrement ce niveau (plus de 10 kg/ha). En comparaison, la moyenne ne dépassait pas 2 kg/ha en Europe, mais le niveau de consommation varie beaucoup selon les pays et les productions agricoles.

Et qui les vend ?

L’Union européenne est la première région exportatrice de pesticides au monde et elle étend de plus en plus son activité aux pays du Sud, où les pesticides sont moins strictement réglementés. Les parts de marché des pays d'Afrique sont faibles. Par exemple, le marché africain de l’agrochimie ne représente que 2 à 4% du marché mondial. Ils sont davantage consommateurs que fournisseurs.

Mais si on regarde de plus près, aux mains de qui sont les pesticides ? Aujourd’hui, 4 sociétés contrôlent 70% du marché mondial : Syngenta (Suisse) , Bayer (Allemagne), Corteva (États-Unis) et BASF (Allemagne). On parle du quatuor des pesticides. 

graphique parts de marchés quatuor

 

Le quatuor : comment ont-ils mis en place ce monopole ? 

En élaborant un modèle économique inédit qui associe ventes de pesticides et ventes de semences. Et oui, le même quatuor se retrouve aussi en tête pour les semences avec presque 60 % des parts de marché

Ce monopole s’est mis en place grâce à un cercle (assez) vicieux. En effet, les semenciers qui vendent aussi les pesticides ont intérêt à ce que leurs produits chimiques soient utilisés pour la culture de leurs semences. Or le modèle agricole fondé sur leurs semences standardisées implique une consommation accrue de pesticides – comme on a vu pour les monocultures.

Et oui : les semences ne bénéficient pas d’aide des autres variétés et leur résistance est réduite : elles ont besoin de la protection des pesticides. Plutôt pratique, car semences et pesticides sont vendus ensemble : c’est le « pack technologique ». Mais cette association n’est pas sans conséquence.

dérive des pesticides

Danger à l’horizon

Les pesticides représentent un triple danger : pour l’environnement, pour nos rendements agricoles et pour la sécurité alimentaire. 

Les pesticides sont sélectionnés pour leur toxicité vis-à-vis d’organismes vivants : c’est le but, puisqu’ils sont censés tuer les champignons ou insectes nuisibles. Le problème, c’est qu’ils présentent aussi un effet dangereux pour les organismes non ciblés et globalement pour l’ensemble des écosystèmes. Cette exposition concerne l’ensemble des populations animales et humaines. 

Bien que les pesticides aient contribué à limiter les pertes alimentaires, ils présentent de nombreuses limites : une dépendance croissante des agriculteur·ices envers les intrants chimiques, une diminution de la biodiversité, un risque sanitaire élevé ainsi qu'une fragilité accrue des monocultures face aux impacts du changement climatique. 

La course aux pesticides n’est pas sans conséquence environnementale, sanitaire et sociale… On vous raconte tout sur les conséquences dans la partie 2 de cette série Deep Tilt sur les pesticides ! 

Pesticides Agriculture

Par Rédaction Tilt

✏ (texte) Jade Moreira
✏ (illustrations) 93mylove

 

Source : 

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