Le "backlash", c'est quoi ?
Rédaction Tilt le 07/03/2023
3 min de lecture 🧠 Niveau « J'y connais rien »
Un mot qui claque comme un coup de fouet, qui percute, mais qu’on peine à traduire. Ce concept désigne le contrecoup qui pèse sur les droits des femmes après chaque avancée. Comprendre les mécanismes du "backlash" est capital pour le combattre et continuer d’avancer vers une société plus juste et égalitaire.
Le « backlash », une traduction compliquée
Le terme « backlash » est utilisé au sein des mouvements féministes, mais il entre de plus en plus dans le langage commun ! Le « backlash » c’est d’abord le titre du livre de la journaliste américaine Susan Faludi, « Backlash. The Undeclared War Against American Women », pour lequel elle a reçu le prix Pulitzer en 1991. Le terme n’a pas vraiment de traduction équivalente en français. C’est à la fois un « retour en arrière" ou un « retour de bâton », une « régression » ou en quelque sorte une « revanche ». Plein de façons de le traduire, donc, mais avec des mots moins imagés et plus tièdes. C’est pourquoi on continue souvent d’employer le mot anglais pour désigner la réaction violente d’une partie de la société face au progrès des droits des femmes. Ce "retour de bâton" s'exprime à travers l'action de mouvements conservateurs qui s'opposent aux avancées des droits des femmes. Ce terme nous rappelle que la lutte pour la libération des femmes n'est pas linéaire. Chaque victoire doit être chèrement acquise face aux forces réactionnaires.
« Backlash » : un concept de Susan Faludi
Dans son livre Susan Faludi décrit la stratégie mise en place par des conservateurs américains contre les droits des femmes dans les années 1980 et 1990, et notamment dans le contexte de l’arrêt Roe vs Wade de 1973 légalisant le droit à l’avortement au niveau fédéral. Appuyée par des acteurs religieux influents, en particulier les évangéliques, la « nouvelle droite américaine », mène une offensive culturelle massive contre le féminisme, l’accusant de tous les maux, à commencer par la destruction de la cellule familiale et de l’économie, et de la précarité des femmes. Selon elle, des publications allant du New York Times à Vanity Fair en passant par The Nation ont publié un flot continu d'accusations contre le mouvement des femmes, avec des titres tels que "Quand le féminisme a échoué" ou "La terrible vérité sur la libération des femmes". En connotant péjorativement la libération des femmes, les mouvements conservateurs (et d’autres encore) cherchent à maintenir leur domination et à freiner l'évolution vers une société plus juste et égalitaire.
C’est en réalité une vraie propagande qui tient l'égalité des femmes pour responsable de presque tous les maux dont souffrent les femmes, de la dépression mentale aux maigres comptes d'épargne, des suicides d'adolescentes aux troubles de l'alimentation et au mauvais teint. Susan Faludi parle de « backlash » parce que cette campagne d’accusation pointant « dérives du féminisme » vient juste après le mouvement de libération des femmes des années 1970 et 1980, pendant lequel les femmes se sont émancipées culturellement, économiquement et politiquement… et c’est donc un retour de bâton. L'analyse de Susan Faludi met en lumière la stratégie de manipulation et de propagande utilisée pour instrumentaliser les femmes et les maintenir dans une position subordonnée.
Un pas en avant, un pas en arrière
L’histoire des droits des femmes et des mobilisations féministes ne sont pas vraiment une ligne droite. Elle est ponctuée de "backlashes", ces contrecoups qui font suite aux avancées et illustrent la résistance des forces patriarcales à l'émancipation féminine. Au niveau international, des d’épisodes d’avancées ont été suivis suivi de reculs, que ce soit pour la conquête des droits civiques, politiques, économiques et sociaux, sans oublier bien sûr le droit à disposer de son corps. Malgré les obstacles, la lutte pour l'égalité des genres progresse car les femmes refusent de se soumettre à l'oppression et continuent à se battre pour leurs droits.
Un exemple en France : à la Révolution française, les femmes se réunissaient dans des clubs et revendiquaient le droit de vote, mais suite à la répression durant la Terreur, la liberté d’expression est étouffée et l’adoption du Code civil sous Napoléon en 1804 réaffirme clairement la domination des hommes : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari. ». Si l'égalité des genres a connu des progrès importants, le "backlash" nous rappelle que le patriarcat n'est pas encore vaincu et que la lutte pour l'émancipation des femmes est loin d'être terminée.
Et aujourd’hui, comment les mouvements féministes interviennent ?
Le mouvement #MeToo, qui a émergé en 2017, a entraîné une vague puissante de libération de la parole des femmes au niveau international, et une prise de conscience collective des problématiques liées aux violences sexistes et sexuelles. En toute logique, on pourrait penser que ça n’était que le début, et que dans les années qui suivent, on aurait une transformation profonde de nos sociétés, de nos représentations genrées et de nos systèmes juridiques. Mais ce n’est pas tout à fait ce qui est en train de se passer...
Dans de nombreux pays, on observe de grosses levées de boucliers conservatrices, voire carrément un recul des droits des femmes, le démantèlement de leur protection juridique et ainsi la montée en puissance des mouvements dits « anti-genre ». Les exemples ne manquent pas : le 1er juillet 2021, la Turquie s’est retirée de la Convention d’Istanbul, en Iran le régime des mollahs réprime violemment les révoltes menées par les femmes, en Afghanistan leurs libertés se voient réduites de jour en jour, en Afrique centrale, le nombre de femmes victimes de violences sexuelles est en constante augmentation, de même qu’en Ukraine où les femmes se voient également privées d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive. Et même en France, où le constat suite à la publication du rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est clair : le sexisme ne recule pas, au contraire, il perdure et ses manifestations les plus violentes s’aggravent. Face à ce "backlash", il est important de rester mobilisés, de renforcer les mouvements féministes et progressistes et de continuer à exiger des changements profonds dans nos sociétés.
Qu’est-ce qu’on peut faire pour l’égalité des genres ?
Dans ce contexte pas vraiment joyeux, les mouvements féministes et les défenseur.euses des droits sont d’autant plus importants ! Oxfam souligne par exemple le rôle des mouvements féministes, tels que Ni Una Menos en Argentine, Non Una di Meno en Italie, le collectif #NousToutes en France, qui se sont créés dans de nombreux pays autour des féminicides, violences extrêmes de genre, et se sont massifiés avec l’arrivée d’une nouvelle génération militante à la suite du mouvement #MeToo et ont contribué à imposer les « féminicides » dans le débat public. La nouvelle génération militante, apporte une énergie nouvelle et des perspectives innovantes au combat féministe, en s'attaquant aux racines de l'oppression patriarcale et en luttant contre les stéréotypes de genre et les discours misogynes.
Avec Backlash, Susan Faludi pose un mot sur une inquiétude latente de ce temps-là ; mais aussi sur un phénomène qui apparaît comme récurrent : après les poussées d’émancipation des femmes, on observe souvent une réaction politique qui provoque une régression des droits et des libertés des femmes
Christine Bard, historienne spécialiste de l’histoire du féminisme et de l’antiféminisme, dans Le Monde
Lire l'article « backlash » ou le retour de bâton conservateur sur Le Monde
Par Rédaction Tilt
Sources :
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