Interview avecGuillaume Pitron :« Un like voyage sur desmilliers de kilomètres »
Derrière chaque métal dans notre téléphone, il y a une mine. Notre téléphone contient 60 métaux. Et chaque mine soulève des questions environnementales et sociales. Soulevant le mythe de l’immatérialité de nos usages numériques, Guillaume Pitron enquête depuis plus de dix ans sur les dessous et les impacts de notre transition énergétique et numérique. Découvre son interview pour Tilt !
Tilt – Avez-vous des exemples de pollution numérique ?
Guillaume Pitron : Gangnam Style, une vidéo qui a pu être vue 1,7 milliard de fois en un an consomme autant d'électricité qu'une ville comme Troyes, Issy-les-Moulineaux ou Quimper pendant un an. Une recherche sur Google, c'est l'équivalent d'une ampoule basse consommation allumée pendant une à deux minutes. Un email avec une lourde pièce jointe, c'est 20 grammes de CO2 et c'est l'équivalent de 150 mètres en voiture dans une voiture à essence.
Le numérique et l’écologie sont-ils conciliables ?
Le numérique apporte d'immenses bienfaits, c'est une évidence, pour l'environnement. Il vaut mieux participer à une réunion en se connectant à Zoom ou à Teams plutôt que de prendre un avion. Et en un sens, ça permet de générer des gains environnementaux absolument conséquents. Grâce au numérique, je vais pouvoir partager mes produits périssables sur une plateforme comme too Good to Go. Et de la sorte, il va y avoir moins de gaspillage alimentaire. Grâce au numérique, on va pouvoir mieux modéliser les évolutions du climat jusqu'à la fin du siècle et du coup, adapter la réponse en termes de lutte contre le réchauffement climatique en conséquence.
Mais il faut replacer ces gains dans le contexte qui est celui d'une explosion de notre consommation du numérique. Nous produisons toujours plus de données. Des données qui vont permettre de générer toujours plus de services numériques et ces services qui vont être consommables grâce à plus d'ordinateurs, de téléphones, d'interfaces. Il va falloir édifier toujours plus de centres de stockage de données, déployer toujours plus de câbles sous-marins. Et donc c'est ce contexte d'explosion de nos usages numériques qui commence à générer un poids environnemental absolument énorme.
Le numérique, c'est le secteur de l'économie dont l'empreinte environnementale croît aujourd'hui le plus vite. C'est à se demander si ce poids croissant, du secteur numérique sur l'environnement n'est pas complètement incompatible avec le respect des accords de Paris, avec l'objectif de réaliser la transition énergétique.
Quelles autres solutions que le recyclage ?
La réparation et la réutilisation des outils électroniques sont probablement de meilleures solutions encore que le recyclage. Parce qu'en réparant et en réutilisant, je n'ai même pas besoin de recycler. C'est comme si, finalement, je réutilisais à 100 % toutes les matières premières qui se trouvent déjà dans le téléphone. Donc, il faut utiliser toujours davantage d'outils électroniques, de téléphones qui ont été conçus pour être réparables, modulables, de sorte qu'ils puissent être ensuite reconditionnés et réutilisés.
Mais est-ce que les téléphones portables aujourd'hui sont réparables ? Très peu. Il y a en réalité ce qu'on appelle l'obsolescence programmée, l'obsolescence technique : la batterie de mon téléphone est collée à mon téléphone, elle tombe en panne et je suis obligé de changer tout le téléphone parce que je ne peux pas extraire la batterie du téléphone. L’obsolescence logicielle : le hardware fonctionne très bien, mais le software, la mise à jour sur le hardware fait qu'il y a une incompatibilité et que le hardware va ramer, donc je vais changer un iPhone 5 ou 6 qui fonctionne très bien parce qu'il est incompatible avec la dernière application WhatsApp. Et puis, il y a l'obsolescence culturelle : j'ai acheté l'iPhone 12 il y a un an, mais je rêve d'acheter l'iPhone 13 et je vais acheter l'iPhone 13 alors que l'iPhone 12 fonctionne très bien. Donc il faut absolument prendre conscience et s'attaquer à ces 3 obsolescences programmées qui réduisent la durée de vie de nos produits électroniques.
Puis, il faudrait dans l'idéal acheter des téléphones modulaires. Il faudrait acheter un Fairphone. C’est un téléphone d’une marque néerlandaise qui propose des téléphones réparables et qui sont pensés pour être gardés pendant sept ou huit ans. Il y a une plus grande facilité à réparer ou à faire réparer les Fairphones, si la caméra tombe en panne, on change la caméra et pas tout le téléphone, alors c'est positif pour la planète.
MasterTilt, c'est quoi ?
MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’études : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.
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