Les espèces endémiques,c'est quoi ?
Rédaction Tilt le 10/09/2024
6 min de lecture 🧠 Niveau « Je me débrouille »
Parmi les millions d’espèces animales et végétales qui peuplent la Terre, certaines se distinguent par une caractéristique bien particulière : leur lieu de vie. Dites « endémiques », ces espèces animales ou végétales vivent exclusivement dans des territoires bien définis. Uniques au monde, ces espèces sont d’autant plus menacées et vulnérables. On t’explique !
Qu’est-ce qu’une espèce endémique ?
La salamandre de Corse, le dragonnier de Socotra, le dragon de Komodo ou encore l’arganier du Maroc… Toutes ces espèces ont un point commun : celui de se développer dans une zone géographique très précise. On ne les retrouve nulle part ailleurs à l’état sauvage ! Ce phénomène naturel est appelé l’endémisme et il concerne aussi bien les plantes que les animaux, mais aussi les champignons, les lichens ou même les algues. Les espèces endémiques se trouvent exclusivement à un endroit bien précis du monde, au moins de manière naturelle. Parfois, elles ont pu être introduites ailleurs mais on ne les trouvera, à l’état sauvage, que dans leur lieu d’origine. C’est cette rareté qui les rend très précieuses et qui en fait souvent l’emblème ou le symbole d’une île, d’une région ou d’un pays.
Il y a bien longtemps, dans une région lointaine…
Deux mécanismes naturels permettent d’expliquer l’existence des espèces endémiques : le paléo-endémisme et le néo-endémisme.
Dans le cas du paléo-endémisme, l’espèce s’est développée sur un territoire unique, car elle a disparu progressivement des autres zones géographiques où elle avait l’habitude de vivre. Elle s’est développée comme un reliquat d’une époque ancienne : les derniers individus de cette espèce seraient donc les survivants d’une quasi-extinction. Par exemple, il y a plusieurs millions d’années, vous pouviez apercevoir plusieurs espèces de Gingkos dans les montagnes de Chine. Aujourd’hui, seul subsiste le Ginkgo biloba, qui a pu être introduit artificiellement sur d’autres continents mais qui a disparu de sa zone d’origine. Les plus curieux pourront se rendre au jardin des plantes de Paris afin de le contempler !
Le néo-endémisme, lui, relève plutôt de l’isolement géographique. Petit à petit, une espèce s'étant retrouvé dans une région à l’écart ou inaccessible se serait développée pour devenir une espèce parfaitement adaptée à son nouvel environnement, capable de résister parfaitement à son climat. Vous connaissez sûrement le cas des lémuriens de Madagascar : il existe plus d’une centaine d’espèces différentes rien qu’à Madagascar et on en découvre encore aujourd’hui. Toutes sont issues d’une même espèce ayant évolué en plusieurs branches. Un peu le même destin que le kiwi de Nouvelle-Zélande, une espèce d'oiseau endémique qui a évolué et perdu ses ailes.
Tu l’auras remarqué, dans ces deux cas de figure, le facteur clé de l’endémisme est l’isolement. Plus un territoire est isolé et enclavé, plus il y a de chances d’y trouver des espèces qu’on ne trouve nulle part ailleurs. C’est pourquoi les îles sont souvent très riches en espèces endémiques, avec en tête l’Australie et Madagascar. Ces deux territoires présentent des taux d’endémismes qui oscillent entre 70 % et 90 % selon les classes d’êtres vivants ! De quoi cultiver une certaine fierté, et en faire deux des plus importants hotspots de biodiversité dans le monde…
Plus fragiles et plus menacées
Qu’on soit une survivante ayant réussi à prospérer sur un petit territoire ou une nouvelle espèce issue de la magie de l’évolution, être une espèce endémique signifie aussi, malheureusement, être une espèce plus fragile et plus menacée que les autres. Ayant développé des caractéristiques uniques, elles peuvent difficilement s’adapter à d’autres conditions. Sans ses espèces d’eucalyptus typiques de l’Australie, le koala ne pourrait pas survivre…
Tu t’en seras douté, les activités humaines sont aussi une véritable menace pour leur survie. La déforestation, le braconnage, la pollution ou le réchauffement climatique ont des conséquences dramatiques et immédiates pour ces espèces. Leur déclin est beaucoup plus rapide. Selon une récente étude de l’Université de Rio de Janeiro, elles ont trois fois plus de risques de souffrir du changement climatique que les espèces communes.
L’introduction d’espèces exotiques sur leur territoire menace également leur existence. Le monarque de Tahiti, un oiseau au plumage entièrement noir et au bec et pattes gris-bleu, est actuellement menacé d’extinction à cause de deux espèces introduites sur son territoire : le rat noir, qui le chasse, et le bulbul à ventre rouge, avec qui il doit partager son territoire et sa nourriture… Aujourd’hui, près du cinquième de la surface terrestre est menacé par des invasions végétales et animales nuisibles aux espèces endémiques. Bien sûr, si leur extinction est plus rapide, c’est à cause de la faible densité de leur population. C’est pour cette raison qu’elles sont si précieuses.
Prendre la mesure du désastre ?
Les espèces endémiques ne sont pas que des espèces trop fragiles pour supporter le changement. En première ligne de la sixième extinction de masse, leur extinction nous permet aussi de prendre la mesure de la catastrophe. Elles sont en fait des « thermomètres environnementaux » qui informent sur la bonne ou la mauvaise santé de nos écosystèmes.
Une étude américano-australienne de 2014 démontre aussi leur importance en tant que régulateur des écosystèmes dans lesquels elles se trouvent. Joseph Bailey, chercheur à l’Université du Tennessee, explique : « Parce que les gènes et les caractéristiques des espèces endémiques sont différents de ceux des espèces non endémiques, le réseau d'interactions supporté par ces gènes est également différent. Par conséquent, les pertes de ces gènes dans les écosystèmes vont probablement se répercuter et nuire aux interactions qu’elles créent entre les espèces ».
Rares et fascinantes, ces espèces endémiques sont donc également essentielles pour évaluer et mesurer l’impact du changement climatique sur le vivant. Les préserver, ce n’est pas qu’une question de beauté. Enfin… un monde qui sait conserver et respecter les particularités de chacun, même les plus étranges et les plus rares, c’est un monde en bonne santé, non ?
Empêcher l’extinction de ces espèces devrait être une priorité pour la communauté scientifique et, en général, pour tous ceux qui aiment la nature.
Joseph Bailey, chercheur en Écologie, Biologie et Évolution à l’Université de Tennessee.
Par Rédaction Tilt
Pour aller plus loin :
• Espèce endémique : définition et exemples de Projet Ecolo, https://www.projetecolo.com/espece-endemique-definition-et-exemples-1276.html
• Les espèces endémiques de France, https://naturefrance.fr/indicateurs/nombre-despeces-endemiques-de-france
• Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf
• Pourquoi les espèces endémiques sont essentielles à nos écosystèmes – Greenmatters.com, https://www.greenmatters.com/p/what-is-an-endemic-species
• Espèces endémiques : leur importance pour la nature – Sigma Earth, https://sigmaearth.com/endemic-wildlife-their-importance-for-nature-as-a-whole/
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