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Une « ferme à trolls », c'est quoi ?

Rédaction Tilt le 07/02/2024

6 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Chaque jour, on est submergés par un déluge d’informations. Parmi tous ces contenus, certains sont de pures intox, des contenus mensongers. À la source de ces « fake news » ou infox : les « fermes à trolls ». Tu ne sais pas ce que c’est ? On va décortiquer tout ça et, promis, sur Tilt, pas de plan machiavélique pour te troller.

Les créatures malveillantes des fermes à trolls

Une « usine à trolls » ou « ferme à trolls », respectivement de l’anglais troll factory et troll farm, ne fait pas référence à un élevage de créatures mythologiques. Quoique l’expression emprunte à ces êtres imaginaires leur côté violent et malveillant. Un troll sur Internet est une personne qui cherche à semer la discorde en publiant et partageant des contenus provocateurs, et qui le fait très souvent au détriment de la vérité.

Par extension, une ferme ou une usine à trolls désigne une organisation qui regroupe et coordonne des trolls pour diffuser massivement des informations partielles, partiales ou totalement mensongères sur les réseaux sociaux. Leur but : interférer avec les opinions et peser sur le processus décisionnel. Pour cela, différentes méthodes à leur disposition : faire appel soit à des commentateurs rémunérés, soit à des bots qui diffusent automatiquement des contenus sur les réseaux.

Comment troller en bande organisée ?

En février 2023, Evgueni Prigojine, chef du groupe paramilitaire russe Wagner et proche de Vladimir Poutine, reconnaît être le créateur de l’officine Internet Research Agency (IRA) de Saint-Pétersbourg. Cette ferme à trolls comptait plus de 300 salariés chargés de mener des campagnes de propagande sur Internet. Par le biais de faux comptes sur les réseaux sociaux et sur des sites de médias, l’IRA faisait la promotion des choix du Kremlin, dénigrait les opposants russes, critiquait la présence française en Afrique, alimentait les tensions liées au Brexit et cherchait à influencer les élections américaines. Une manière, selon Evgueni Prigojine, de « protéger l’espace informationnel russe de la propagande grossière et agressive des thèses antirusses de l’Occident » – autrement dit, de manipuler les foules.

Même si l’IRA est l’exemple le plus connu de ferme à trolls, il est loin d’être le seul. D’autres pays ont aussi leur petite ferme de manipulation.

Facebook dans la tourmente du troll

En 2021, Facebook a démantelé plus de 1 500 fermes à trolls. Parmi elles, une était au service du président nicaraguayen, Daniel Ortega. Fondée en 2018, cette véritable usine avait une routine bien établie : insultes et désinformation de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi, avec une pause déj’ de midi à 13 heures. On estime que 800 000 personnes – soit un Nicaraguayen sur cinq – ont été exposées à des contenus mensongers partagés par cette ferme. Et bien sûr, Facebook n’était pas leur seul terrain de jeu : ces trolls étaient actifs sur TikTok, X (ex-Twitter) et Telegram.

Le 13 septembre de la même année, l’ancienne cheffe de produit de Facebook, Frances Haugen, fait fuiter les « Facebook Files » à des médias, révélant alors les failles de l’algorithme du réseau. Ces failles sont liées à la structure même de l’algorithme de Facebook : les contenus les plus susceptibles d’être partagés et commentés ont plus de chance d’apparaître dans les fils d’actualité. Le hic, c’est que ce mode de fonctionnement favorise inévitablement les contenus viraux, y compris ceux des trolls.

Des personnes plus trollées que d’autres

Les fermes à trolls ne sont pas uniquement à l’origine de campagnes orchestrées par des régimes autoritaires. Elles conduisent aussi des campagnes de cyberharcèlement commanditées par des communautés ou des groupes politiques et visent essentiellement les journalistes d’investigation. Dans son rapport sur le cyberharcèlement des journalistes, l’ONG Reporters sans frontières révèle que les plus touchées sont surtout les femmes. Rana Ayyub, journaliste indépendante indienne, fait régulièrement les frais de trolls. Elle a mené de nombreuses enquêtes, notamment Gujarat Files – anatomie d’une couverture dans laquelle elle dévoile la violence communautaire de l’ère Narendra Modi, actuel Premier ministre indien. Mais son travail n’a pas plu au gouvernement indien et à ses partisans, dont elle est devenue la cible.

Comment agir ?

Véritable menace pour la liberté de presse, les fermes à trolls portent atteinte à l’intégrité du débat public, voire à la démocratie. Il devient difficile de démêler le vrai du faux et de faire des choix éclairés. Alors, comment agir ?

  • On peut se poser les bonnes questions. Utilisateurs des réseaux sociaux, nous sommes régulièrement confrontés à des contenus dont on ne connaît pas la provenance. Il faut nous demander pourquoi et par qui ils sont mis sous nos yeux ou encore vérifier si les informations sont exactes. Être critique, voilà une bonne façon de ne pas se faire troller. On te partage nos astuces pour t’aider à te poser les bonnes questions dans cet article.
  • On peut aussi envisager de réguler. En février 2023, l’UNESCO organisait une conférence « Pour un Internet de confiance », une première sur le sujet au niveau mondial. À l’issue de cette conférence, tout le monde s’accordait sur la nécessité d’une coordination à l’échelle mondiale pour lutter contre les dérives des géants du numérique et faire d’Internet un outil au service du public.
  • On peut militer. Des Lituaniens se sont ainsi regroupés pour lutter contre les mensonges partagés par les prorusses à l’encontre des réfugiés ukrainiens en Pologne. Ils se font appeler les « cyber-elfes » – nobles et courageuses créatures qui combattent le mal. Contrairement aux trolls qui cherchent à dissuader les Polonais d’accueillir ces réfugiés, les elfes propagent des informations dont les sources sont fiables et accessibles à tous pour que la vérité devienne irréfutable.

Pour garantir notre droit à une information juste et fiable, il faut faire face aux défis d’Internet et des réseaux sociaux. Alors, dans ce combat numérique, qui des elfes ou des trolls régnera sur le royaume Internet selon toi ? D’autant qu’un nouveau protagoniste a fait son entrée en jeu : l’intelligence artificielle.


« Les mensonges se répandent plus vite que les faits. Pour une raison ou une autre, les faits sont vraiment ennuyeux. Les mensonges, surtout lorsqu'ils sont empreints de peur, de colère, de haine, de tribalisme – “nous” contre “eux” – se répandent. Ils mettent le feu aux poudres. »

Marie Ressa, journaliste et lauréate du prix Nobel de la Paix 2021, lors de la conférence « Pour un Internet de confiance » du 21 au 23 février 2023

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Par Rédaction Tilt

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