
Migrations : et si on en
parlait autrement ?
Benoît Hamon
Les migrations sont au cœur du débat public, souvent teintés de stéréotypes. Pourtant, derrière les discours, quelle est la réalité des personnes migrantes ? Qui migre, pourquoi, et comment transforment-elles nos sociétés ?
Face aux défis du climat, aux inégalités économiques et aux guerres, les migrations prennent des formes multiples. Dans ce contexte, les voix des personnes migrant.es restent encore trop souvent invisibilisées, alors qu’elles jouent un rôle clé dans le développement des pays d’accueil. Quelle place accorde-t-on aux nouvelles et nouveaux arrivant.es dans la vie démocratique ? Pourquoi est-il urgent de déconstruire les idées reçues ? Et comment des structures comme Singa agissent concrètement pour favoriser l’inclusion ?
On en parle avec Benoît Hamon, Directeur Général de l’ONG SINGA Global, pour mieux comprendre les réalités migratoires et les solutions qui existent !
Tilt – Quelles sont les principales raisons qui poussent des personnes à migrer ?
Benoît Hamon : Les conflits, les persécutions, les inégalités, la pauvreté, l'absence d'avenir pour les enfants. Un territoire qui devient inhabitable parce qu'en raison de la sécheresse. Mais il y a aussi qu’est-ce qui vous pousse à partir et à choisir un autre pays ? Et c'est assez intéressant aussi de regarder pourquoi, par exemple, on choisit l'Angleterre, l'Italie, l'Ouganda, l'Afrique du Sud, les États-Unis ou la France. La réalité, c’est que les gens choisissent un pays sur deux critères : les emplois disponibles et l'existence d'une diaspora, de gens qui appartiennent à leur communauté nationale ou linguistique. J'ai quelqu'un avec lequel je pourrais me connecter parce que dans ce pays dont je ne parle pas la langue, savoir que je vais trouver des gens comme moi, qui parlent ma langue, facilitera mon inclusion. On entend souvent ça : « Si on avait une sécurité sociale moins protectrice, les gens viendraient moins. ». Allez-vous m'expliquer - je vais prendre deux pays, la France haut niveau de protection sociale, et le Royaume-Uni, protection sociale nul : elle n'est pas inexistante, mais bien moins protectrice qu'en France. Pourquoi des gens Albanais, Kurdes, Syriens, Afghans tous les jours prennent le risque de mourir avec leur famille en Méditerranée ? Si c'était pour la protection sociale qu’ils y allaient. Ça n'est pas un argument. Personne ne prend le risque de mourir en Méditerranée pour se faire rembourser des dolipranes, ça n'existe pas.
Tilt – En quoi les nouveaux arrivants contribuent-ils au développement économique, social et culturel des pays d’accueil ?
Benoît Hamon : En France, dans les années 60, il y avait 4 actifs, personnes qui travaillent, qui cotisaient sur leur salaire. Vous savez, on vous prend une partie de votre salaire, on le met de côté pour payer les retraités. Ça s'appelle le salaire brut et le salaire net, il vous reste le net qui va sur votre compte, et le brut, c'est ce qui est mis de côté pour vous, un jour, avoir une retraite. Mais en attendant, cet argent, il paye les retraités actuels. Quatre points. On est aujourd'hui à deux points. On sera en 2050 à 1,7 point, on sera en 2070 à 1,5 point. Donc nous savons que nous n'allons pas avoir assez d'actifs, vous et moi, pour cotiser pour ceux qui sont inactifs, bientôt moi. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui le système de retraite tient en grande partie grâce aux étrangers ? Parce qu'on a observé que les étrangers qui cotisent, comme vous et moi, eux, ils ont des métiers pénibles. Donc quand ils sont à la retraite, ils ont une retraite plus courte et plus faible. Pourquoi ? Parce qu'ils sont sur les métiers les plus difficiles. Plus courte, parce qu'ils ont tué leur santé au travail. Et donc, je vais le dire cruellement, vont vivre moins longtemps, à cause de ça, et sur des métiers difficiles qui les amènent, qui sont au bas de l'échelle sociale, à avoir un plus petit salaire, donc une plus petite retraite. Très concrètement, sans immigrés, sans travailleurs étrangers aujourd’hui, c'est un effondrement de notre système de retraite.
Tilt – Pourquoi est-il essentiel que leur voix soit entendue dans le débat public ?
Benoît Hamon : Vous avez remarqué que ce débat sur les migrations est omniprésent sans qu’on n’entende jamais une, ou un concerné. Vous n’avez pas, sur un seul plateau, une personne immigrée qui connaît, qui a une trajectoire d’exil, qui est invitée à débattre sur l'inclusion, est-ce que ça marche ou non ? L'accès au français, au logement, à l'éducation, ça marche, ça marche pas, etc. C'est un débat entre personnes qui ne connaissent pas ou qui n'ont pas l'expérience de la migration. Donc il est crucial aujourd'hui, d’avoir un espace public qui soit hospitalier. Une parole de personnes qui vivent à côté de nous, payent des impôts, sont cotisants et qui sont nos pairs dans la vie quotidienne mais qui sont privés de parole et invisibilisés dans l'espace public.
MasterTilt, c’est quoi ?
MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.
Par Rédaction Tilt
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