Journaliste environnemental,

un métier à risque ?

Anne Bocandé

L'information environnementale est devenue un indispensable à l'heure des crises climatiques, de la déforestation et des conflits liés aux ressources naturelles. Pourtant, informer sur les questions écologiques et climatiques expose de plus en plus les journalistes à des menaces, des pressions et parfois à la violence.

Comment protéger la liberté d'informer sur les questions environnementales ? Pourquoi ces enjeux sont-ils si sensibles dans certaines régions du monde ? 

Et comment des organisations comme Reporters sans frontières, agissent-elles pour soutenir les journalistes sur le terrain ?

On en parle avec Anne Bocandé, journaliste et directrice éditoriale de Reporters sans frontières qui partage son expérience et ses espoirs, pour une information libre. 

Tilt – Pourquoi y a-t-il des enjeux journalistiques spécifiques aux questions environnementales ?

Anne Bocandé : La prégnance de la désinformation sur ces sujets-là est très forte. Donc pour nous, il y a vraiment un lien entre protection de l'environnement et protection de l'information. Pour vous donner un chiffre : tous les ans, on sort un classement mondial de la liberté de la presse, tous les 3 mai, qu'on a comparé avec un autre type de classement sur les ressources naturelles. Et on a pu voir que deux tiers des ressources naturelles, étaient extraites dans des pays où la liberté de la presse n'était pas garantie. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que dans ces pays-là, où il y a des enjeux d'exploitation des ressources naturelles, on sait que les conditions pour que les journalistes puissent travailler correctement et donc in fine, pour pouvoir enquêter sur des sujets qui peuvent être sensibles comme ceux-là, ils ne peuvent pas le faire dans des bonnes conditions. On a pu en tout cas recenser au moins 200 attaques et violences contre des journalistes sur les dix dernières années qui travaillaient sur ces sujets-là.

Tilt – Quels sont les principaux dangers pour les journalistes qui couvrent les enjeux écologiques ? 

A.B : Il y a plusieurs formes de risques et donc de danger pour les journalistes qui travaillent sur les sujets qui sont liés à l'environnement. Ça va de la simple menace jusqu'aux assassinats. On a pu comptabiliser à-peu-près 28 journalistes qui ont été tués ces dix dernières années parce qu'ils travaillaient sur des sujets reliés à l'environnement. Donc c'est pour nous informer sur ces sujets-là. C’est majoritairement des journalistes qui ont été tués en Asie et, l'autre part en Amérique latine. Donc, ça, ça fait partie des risques concrets. D'autres risques, ça va être des détentions. Là, récemment encore, un journaliste indien est détenu pour avoir travaillé, pour avoir révélé des scandales sur la pollution de l'eau. Et puis ça va être d'autres types d'attaques, de menaces qui mènent parfois à l'autocensure. On a pu identifier notamment, qu’en Amazonie brésilienne, donc, qui recouvre plusieurs pays en Amérique latine, sur un an, on a monitoré plus d'une soixantaine d'attaques, d'entraves, aux journalistes qui travaillent sur ces questions-là. Donc ça intimide aussi les autres journalistes qui voudraient travailler sur ces sujets-là.

Tilt –  Comment couvrir les zones de conflits liées aux ressources naturelles ?

A.B : Par exemple, aujourd'hui, il y a un conflit en République démocratique du Congo. On sait qu'il y a un fond derrière de questions de ressources naturelles dans une zone qui en est grandement pourvue. Au moment où on se parle, tous les journalistes de cette région-là, en raison du conflit qui a été déclenché, sont aujourd'hui menacés, par ailleurs. Puisqu’aujourd'hui, il y a énormément de journalistes déplacés en République démocratique du Congo. C'est les radios locales, notamment, les radios communautaires qui sont particulièrement impactées, qui sont prises d'assaut, les journalistes empêchés, les antennes parfois complètement occupées, même, par les belligérants.

MasterTilt, c’est quoi ? 

MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.