male gaze
# Tiltionnaire

Le male gaze, c’est quoi ?

Rédaction Tilt le 01/03/2023

5 min de lecture 🧠   Niveau « J'y connais rien »

Quand la caméra filme une femme comme un objet sexuel, on parle de male gaze. Mais ça marche aussi pour les mangas, les séries, les jeux vidéo, la publicité... En quoi et pourquoi c’est un problème ? Stéréotypes de genre, normes patriarcales, on t’explique tout ça. 

Male gaze, de quoi on parle ?

On peut dire que ce qui caractérise une création (visuelle ou pas), c’est de proposer un regard sur le monde. Mais, il se trouve que ce regard est bien souvent posé sur des femmes par des hommes hétérosexuels… et c’est loin d’être neutre ! Ce regard masculin, présent dans l'industrie cinématographique, peut limiter la représentation des femmes à des rôles passifs ou sexualisés.

C’est ce qu’on appelle le male gaze ou « regard masculin » en français, et il est partout : dans les tableaux, les photographies, dans la littérature, et bien sûr dans les séries et les films. On a toutes et tous en tête le langoureux mouvement de caméra, qui balaie un personnage féminin des pieds à la tête pour faire admirer la plastique de l’actrice. Ou encore les formes généreuses et le micro short de Lara Croft dans Tomb Raider ou les bottes et le maillot de bain sans bretelle de Wonder Woman, qui n’ont pas grand-chose à voir avec ses super pouvoirs. On imaginerait mal Superman dans un costume aussi échancré… Il est essentiel de déconstruire le "male gaze" pour une meilleure représentation des femmes dans les médias et une société plus égalitaire.

Un vieux concept ancré dans l’industrie cinématographique

Le concept du male gaze a été théorisé dans l’essai Plaisir visuel et cinéma narratif en 1975 par Laura Mulvey, une réalisatrice britannique et militante féministe du Women’s Mouvement. Elle adorait les films américains en noir et blanc avec Marilyn Monroe, Marlène Dietrich et Humphrey Bogart. Dans ces films, une chose est claire : l’homme regarde, la femme est regardée. 

Le mouvement de la caméra guide le regard des spectateurs et spectatrices pour leur montrer des personnages masculins qui agissent et sont au centre de l’intrigue, et des personnages féminins qui sont des objets de désir, qui subissent les choses sans avoir réellement leur mot à dire. Ce concept a influencé les critiques féministes du cinéma. Il est utilisé aujourd’hui pour analyser (et critiquer !) la culture visuelle, les mangas, la publicité, etc. Il permet de déconstruire les codes patriarcaux et de proposer une représentation plus juste et plus inclusive des femmes.

Le problème ? La banalisation du sexisme et de la sexualisation de la femme à l’écran

En questionnant le "male gaze", nous remettons en cause les normes patriarcales qui façonnent nos sociétés et les représentations genrées dans l'industrie cinématographique. Prendre conscience du male gaze, et l’interroger, ça revient à réfléchir aux représentations culturelles qui nous entourent. Car un des problèmes avec le male gaze, ce n’est pas tant qu’il existe mais c’est surtout qu’il est omniprésent. On ne le retrouve pas que dans les grosses productions américaines, mais un peu partout dans le monde.

Bollywood a une longue histoire de glorification de ses héros masculins (qui frôlent souvent la masculinité toxique, comme cela a pu être reproché aux personnages de Kabir Singh) tout en reléguant les personnages féminins à des rôles de second plan uniquement destinés à alimenter l’intrigue amoureuse. De nombreux films s’attachent à donner le ton des formes de masculinité jugées « acceptables » dans la société et de celles qui sont méprisées.  En déconstruisant les stéréotypes de genre et en exigeant des personnages féminins complexes et multidimensionnels, nous pouvons contribuer à l'émergence d'une culture visuelle plus inclusive et égalitaire.

Dans beaucoup de cas, le male gaze participe aussi à la banalisation des violences faites aux femmes et glamourise des comportements masculins qui sont en réalité des comportements de prédateur. De nombreuses histoires d’amour dans la culture visuelle sont construites sur un modèle qui ne s’attarde pas vraiment sur la notion de consentement. Dans Stars War, Han Solo (Harrison Ford) fait, à neuf reprises, des avances très directes à la princesse Leia (Carrie Fisher), avant de l’embrasser de force. 

L’émergence du female gaze

Une façon de lutter contre le male gaze c’est aussi que plus de femmes puissent réaliser des films, et ainsi proposer un autre regard sur le monde et sur leurs personnages. Ça s’appelle le female gaze, et ça existe. Ce regard féminin, porté par des réalisatrices et des créatrices, vise à déconstruire ces codes patriarcaux et à offrir une représentation plus complexe et subjective des femmes à l'écran. Il ne s'agit pas simplement d’inverser les stéréotypes de genre et de reproduire les mêmes schémas avec un regard féminin. Le "female gaze" permet de donner aux femmes une voix et une agence dans l'histoire, de les montrer comme des sujets à part entière, dotés de désirs, de motivations et de complexités psychologiques. Tout comme les hommes finalement !

Il y a de nombreux exemples à travers le monde, que ce soit le film récent « Annie colère » sur le droit à l’avortement en France, ou encore à Bollywood. En Inde, des films réalisés par des femmes comme English Vinglish (2012), Margarita with a Straw (2014), Angry Indian Goddesses (2015), Nil Battey Sannata (2015), Lipstick Under My Burkha (2016), et d'autres ont connu un vaste succès commercial ces dernières années, et ont été appréciés pour leur approche sensible et créative. Petit plus : les protagonistes passent toutes le test de Bechdel, choisissant de se concentrer sur des questions qui ont un impact sur leur vie et l'améliorent, au lieu de centrer leurs conversations sur le sexe opposé.  

Un autre exemple, cette fois dans le cinéma libanais et égyptien, est le film Dunia (2006), dans lequel la réalisatrice libanaise Jocelyne Saab crée une image novatrice de la danseuse orientale comme sujet de désir s’écartant du modèle fantasmé vu et revu dans de nombreux films auparavant. Elle retire le voyeurisme masculin et réussit à représenter un corps féminin sexuel mais non sexualisé. Cet exemple met en lumière la capacité du cinéma à déconstruire le regard masculin traditionnellement porté sur le corps féminin, offrant ainsi une représentation alternative qui échappe à l'objectification et à la sexualisation habituelle que tu peux voir à la télé, dans tes séries ou encore sur les réseaux sociaux. 

Côté photographie, de nombreuses femmes artistes africaines ont émergé depuis les années 1990, telles que Yto Barrada, Jodi Bieber, Zanele Muholi, Lebohang Kganye, Grace Ndiritu, Nontsikelolo "Lolo" Veleko, Sue Williamson et Mimi Cherono Ng'ok. Explorant un large éventail de sujets, qui vont des questions de féminisme, d'homosexualité et de genre à l'histoire, la migration, la mémoire et la perte, nombre des œuvres réalisées par ces artistes remettent en question les conceptions conventionnelles de la représentation photographique des femmes africaines. Leurs œuvres questionnent les normes patriarcales et les codes visuels hérités du colonialisme. Elles proposent une nouvelle perspective sur l'identité féminine africaine. En s'appropriant le regard et la narration, ces femmes photographes africaines contribuent à une meilleure représentation d'elles-mêmes et de leurs communautés.


La première étape pour changer notre regard est de prendre conscience que les images qui circulent autour de nous et dans lesquelles nous baignons ne sont pas neutres.
 

Iris Bey, auteure du "Le regard féminin, une révolution à l’écran"

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