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# Deep Tilt

Les pesticides, durs à avaler?Partie 3 : quelles solutions?

Rédaction Tilt le 09/01/2024

6 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Si les pesticides nous permettent d’éviter une part des pertes de rendements causées par les organismes nuisibles, leur utilisation multiplie les effets néfastes sur l’environnement et sur l’Homme. D’après l’Atlas des Pesticides de 2023 de la Fondation Heinrich Böll, les citoyens sont plus que jamais conscients de la nécessité de réduire les pesticides. Mais, aujourd’hui, quels sont les freins au changement ? Quelles alternatives peuvent être mises en place ?

Manque de régulation : c'est quoi le problème ?

La consommation de pesticides explose, le marché prospère et la régulation est encore trop timide. Et oui … malheureusement il n’y a pas assez d’actions face aux dangers que les pesticides représentent. 

On en est où aujourd’hui ? 

D’abord, il y a un vrai problème d’identification des pesticides. La FAO et l’OMS n’ont toujours pas publié de liste officielle incluant tous les pesticides HHP utilisés dans le monde. Il est donc compliqué pour les gouvernements, les distributeurs et les usagers de les identifier clairement, afin d'être en mesure de les remplacer par des produits moins dangereux.

Mais il y a aussi un problème de régulation. Il n’existe toujours pas de traité international contraignant sur la réduction des pesticides. Afin de lutter contre les intoxications contre les pesticides, l’OMS et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont mis en place un cadre volontaire et des critères relatifs à la gestion des pesticides, mais ces recommandations n’ont été que partiellement mises en œuvre, car non contraignantes. Il y a un manque de normes de sécurité dans les pays à faibles revenus. Par exemple, dans certains pays africains, les règlements, les lois, les procédures d’approbation et contrôles ne parviennent pas à suivre le rythme de la demande croissante de pesticides. Aujourd’hui, jusqu’à 20 % du marché de l’ensemble du continent africain et 34 % de celui d’Afrique de l’Ouest relèvent d’une production et d’une commercialisation illégales de pesticides. Le cadre de réglementation en termes de pesticides varie selon les pays et comme dit plus haut, aucun traité international n'harmonise leur régulation dans le monde;

OMS

Zoom sur l’Union européenne 

Les pesticides occupent une place importante dans l'agenda européen. Par exemple, à travers la stratégie "De la ferme à la table" lancée en mai 2020, la Commission européenne s'est engagée à atteindre plusieurs objectifs et notamment la réduction de 50 % de l'utilisation des pesticides de synthèse d'ici 2030, et la diminution de l'usage des substances les plus dangereuses en introduisant de nouvelles réglementations. Une autre initiative citoyenne intitulée "Sauvons les abeilles et les agriculteurs !", qui a rassemblé plus de 1,2 million de signatures en Europe, demande des objectifs plus ambitieux. Mais il reste de nombreux points d’amélioration. Par exemple, la Politique Agricole Commune (PAC), qui détermine le financement et les priorités de l'agriculture européenne, ne s'aligne pas sur la politique de réduction des pesticides. Et les financements octroyés aux agriculteurs par l'Union européenne dépendent principalement de la superficie des exploitations concernées – sans être conditionnées à des objectifs de baisse de l’utilisation des pesticides ou un soutien accru à l’agriculture biologique. 

À l'heure actuelle, la comparaison au niveau mondial montre que l’Union européenne est pionnière en matière d’interdiction des pesticides très dangereux, mais certaines substances toxiques continuent à être utilisées sur le vieux continent.

HPP interdits continent africain

Zoom sur le Mali : comment est-il parvenu à éliminer des tonnes de pesticides dangereux ?

Au Mali, la bataille contre les pesticides dangereux a été un véritable tour de force ! L’agriculture est un secteur clé de l’économie malienne et de la sécurité alimentaire, cependant l’utilisation de pesticides a explosé ces vingt dernières années, avec toute une série de conséquences. Les habitants de certains villages ont vu des dizaines de proches intoxiqués régulièrement. En effet, le Mali n’interdit que 20 pesticides extrêmement dangereux, contre 195 pour l’Union européenne ou encore 133 pour le Brésil. Cette situation dramatique était fréquente dans tout le pays, où près de 200 personnes perdaient la vie chaque année en raison de l'utilisation intensive de pesticides périmés

Mais grâce à une approche ingénieuse mise en place en 2007 par le gouvernement en collaboration avec la Banque mondiale, une transformation a commencé à s’opérer. Des tonnes de pesticides périmés et de déchets toxiques ont été progressivement éliminées, de nouvelles normes de sécurité ont été établies, et un plan national de prévention complet a été élaboré. Le projet d’élimination et de prévention des pesticides obsolètes (PEPPO) a alors permis de traiter des centaines de tonnes de produits dangereux et de renforcer la réglementation. Entre 2014 et 2018, il a permis d'éliminer 532 tonnes de pesticides périmés et déchets toxiques. Les agriculteurs ont été formés, les stocks ont été sécurisés, et une campagne de sensibilisation #StopPesticidesObsolète a été lancée pour éduquer le grand public. Ce projet a été accompagné d’une stratégie d’information, éducation et de communication. Ainsi, le Mali a pris le chemin de la gestion durable des pesticides obsolètes, protégeant la santé de ses habitants, son environnement et son économie florissante. Un exemple inspirant de progrès et de lutte contre les pesticides 

Quelles sont les alternatives aux pesticides ?

pyramide solution pour éviter pesticides

Utiliser les biopesticides

Les biopesticides sont des pesticides basés sur des micro-organismes ou des produits naturels. Ils sont donc considérés comme moins problématiques que les composés chimiques, car issus de processus naturels censés moins perturber les écosystèmes. La demande de biopesticides est en augmentation, mais ils ne représentent pour l’instant qu’une petite partie du marché mondial des pesticides (moins de 10%). 60 biopesticides seulement étaient présents sur le marché de l’UE en 2020, contre 450 pesticides de synthèse. Certains produits naturels, tels que l'huile de neem, le savon insecticide, et le pyrèthre, peuvent être utilisés pour lutter contre les ravageurs tout en ayant un impact (un peu) moins nocif sur l'environnement.

Néanmoins, les biopesticides restent des produits chimiques, qui peuvent parfois présenter des risques pour l'environnement. C'est le cas du spinosad, toxine naturelle utilisée en agriculture bio, mais qui est très toxique pour les abeilles et les invertébrés aquatiques...

Protéger les espaces sauvages et les habitations grâce aux zones tampons

Une zone tampon, c'est une bande de terrain non soumise aux pesticides, située entre une zone traitée et les eaux de surface - ou encore entre une zone traitée et des surfaces présentant un risque élevé de ruissellement vers les eaux de surface.

En France, par exemple, une mesure de ce type a été prise afin de protéger les zones résidentielles des retombées de pesticides dangereux : les agriculteurs doivent désormais respecter distance de sécurité de 20 mètres avec les zones habitées pour "les substances les plus préoccupantes"

Le problème : ce type de zones n’est obligatoire que dans quelques pays. Dans de nombreuses régions des pays du Sud, elles ne sont tout simplement pas envisageables, car les surfaces agricoles sont souvent moins étendues que la largeur requise d’une zone tampon, et très proches des habitations. Mais ça reste une demande dans certains pays, comme l’Afrique du Sud, où les organisations de la société civile réclament depuis des années l’aménagement de zones tampons obligatoires afin d’atténuer les risques. 

Développer des modèles agricoles alternatifs : agroécologie, permaculture et agriculture biologique 

À travers le globe, de nombreuses initiatives montrent qu'un avenir écologique est réalisable : plusieurs villes, États et régions s'efforcent aujourd’hui de réduire leur utilisation de pesticides, voire d'interdire complètement les pesticides de synthèse dans leurs champs et espaces publics. Certains pays sont même très ambitieux. Le Kirghizstan prévoit par exemple d'éliminer complètement l'utilisation des pesticides : le Parlement a décidé en 2018 que tout le secteur agricole devait se convertir à l’agriculture biologique en l’espace de dix ans, ce qui implique de renoncer aux herbicides, insecticides, fongicides et autres substances de synthèse, seules les substances biologiques restent autorisées. En Inde, plusieurs États ont commencé à tourner la page de l’agriculture conventionnelle et des pesticides. C’est le cas du petit État du Sikkim qui vise à avoir une agriculture 100 % biologique. Un changement radical de paradigme dans ce pays qui, des dizaines d’années durant, a fait un usage massif des engrais et pesticides !

Plusieurs modèles alternatifs se développent, tels que : 

  • La permaculture, qui regroupe un ensemble de méthodes de culture permettant de conserver la fertilité naturelle du sol sans recourir aux produits phytosanitaires. On y retrouve les pratiques de rotations des cultures et des cultures associées. Cela permet de mettre en place des agroécosystèmes productifs qui s’inspirent du fonctionnement des écosystèmes naturels. 
  • L’agroécologie, qui met en avant l’interconnexion entre systèmes sociaux et enjeux écologiques. Elle vise à respecter l’environnement et à atteindre l’autonomie, en utilisant les ressources humaines et naturelles locales. C’est un modèle agricole, mais aussi une discipline scientifique et un mouvement de défense des travailleurs agricoles
  • Et l’agriculture biologique, qui vise à garantir un mode de production respectueux de l’environnement et du bien-être animal. Ce mode de production exclut les produits phytosanitaires : engrains, pesticides et OGM. Elle permet aussi aux paysans de mieux vivre, car leur production est plus rentable : les coûts d’exploitation sont moins élevés sans l’achat des produits cités et les prix de vente sont plus importants. La FAO reconnait un rendement, de ces cultures, comparable à celui des cultures conventionnelles. 

bio dans le monde

Financer la recherche sur la réduction des pesticides dans l'agriculture

Il est clair que l'usage des pesticides occupe une place centrale dans l'agriculture mondiale, et cela continue à être un sujet de débat. Certains soutiennent que les pesticides jouent un rôle crucial dans la sécurité alimentaire mondiale, car les maladies des cultures et les ravageurs représentent une menace majeure pour le secteur agricole, tandis que d'autres mettent en lumière leurs effets néfastes sur l'environnement, la santé humaine, et les écosystèmes. Dans la quête d'une agriculture plus durable, équilibrer ces considérations reste un défi complexe.

Or dans de nombreux pays, surtout dans les régions agricoles tropicales, les connaissances sur l'utilisation des pesticides et les cadres institutionnels et économiques qui influencent leur diffusion sont limitées. Confrontée à cette complexité, la Fondation FARM et Agropolis Fondation se sont engagées à soutenir la production de connaissances et de solutions à travers l'initiative Pretag (Pesticide Reduction for Tropical Agricultures), dirigée par le CIRAD et impliquant divers acteurs privés et publics. L'objectif de cette initiative, c’est notamment de développer des trajectoires effectives de réduction de l'utilisation des pesticides chimiques, en particulier dans les filières du maraîchage, du riz, du café, du cacao, et de la banane, en collaboration avec des plateformes multi-acteurs.

C'est la fin de cette série Deep Tilt en trois parties consacrées aux pesticides ! Si tu veux en savoir plus à ce sujet, consulte nos deux premiers articles :

  • Partie 1 : la longue histoire des pesticides
  • Partie 2 : l'impact environnemental et sanitaire

     
Agriculture Pesticides

Par Rédaction Tilt

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