Les tourbières, c'est quoi ?
Rédaction Tilt le 31/01/2024
5 min de lecture 🧠 Niveau « Je me débrouille »
On en parle peu, pourtant elles sont essentielles. Moins médiatisées que la déforestation, leur assèchement et leur destruction sont tout aussi graves et exigent le même niveau de prise de conscience. Car les tourbières nous rendent de précieux services, abritent des trésors de biodiversité, et sont essentielles dans notre combat contre le changement climatique. Alors, si on parlait un peu plus d’elles, pour mieux les connaître… Et surtout mieux les protéger ?
Quand la nature prend son temps
Une tourbière, c’est une zone humide, c’est-à-dire un écosystème gorgé d’eau où l’on trouve une végétation et des animaux parfaitement adaptés à ce milieu. Mais contrairement aux autres zones humides, les tourbières possèdent un pouvoir singulier : elles produisent de la tourbe.
Comment et à quoi ça sert ? Il faut d’abord préciser que les eaux des tourbières sont pratiquement stagnantes, c’est donc un milieu très pauvre en oxygène. Moins d’oxygène ça veut dire moins de bactéries et de champignons pour venir grignoter les matières organiques. Résultat : lorsque les végétaux et les matières organiques meurent, elles se décomposent à un rythme si lent qu’elles finissent par former une « roche végétale », la tourbe. Cette roche s’accumule pendant des siècles et des siècles, à raison de 0,2 à 1 mm par an. La progression est si lente qu’il faut un millénaire pour amasser seulement un mètre de tourbe !
Ce processus est presque aussi long que la formation du pétrole ou du charbon. Voilà pourquoi la tourbe est considérée comme une ressource fossile, c’est-à-dire une ressource d’origine organique non renouvelable, qui a besoin de plusieurs milliers d’années pour se former. Les plus anciennes ont commencé ce processus il y a 12 000 ans. Une véritable plongée dans le temps !
Un écosystème très précieux
Les tourbières, ce n’est pas juste de la boue et de l’eau. C’est un écosystème très précieux à plus d’un titre. Ces zones débordent de vie et abritent des milliers d’espèces végétales (même des plantes carnivores !) et animales, dont 30 % sont rares et protégées.
Mais en plus d’être des trésors de biodiversité, les tourbières jouent un rôle crucial dans le cycle de l’eau en régulant son débit, en la filtrant et en l’assainissant, garantissant ainsi des sources naturelles d’eau potable. Elles sont également les gardiennes de nos montagnes : elles freinent leur érosion en stabilisant les sols. Et le clou du spectacle : elles sont un allié précieux pour piéger le CO2. Alors qu’elles ne représentent que 3% de la surface terrestre, elles retiennent un tiers de tout le carbone stocké dans le sol. C’est deux fois plus que les forêts !
...Mais très fragilisé
En 50 ans, la moitié des tourbières françaises a disparu et 89 % se sont dégradées. Les responsables ? Nos activités humaines, toujours elles. Pour développer l’agriculture, nombre de ces zones humides ont été drainées, c’est-à-dire asséchées. L’urbanisation n’a pas non plus épargné ces espaces, les engloutissant pour laisser place à des constructions. Et n’oublions pas l’extraction de la tourbe pour fabriquer des terreaux agricoles, une pratique remontant au 18e siècle, époque où elle faisait également office de combustible pour se réchauffer. C’est encore le cas aujourd’hui en Irlande, même si son exploitation a chuté de 90% en 10 ans.
De puit de carbone à source de carbone
Le problème, quand on détruit ou qu’on altère une tourbière, c’est qu’elle rejette tout le CO2 qu’elle emmagasinait… Ce qui représente actuellement près de 5 % des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines, soit « en moyenne entre 10 et 25 tonnes d’équivalent CO2 par hectare et par an. Cela va dépendre du type de tourbière et de l’intensité de la dégradation », précise Grégory Bernard, chargé de mission à la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels. Autrement dit, chaque hectare de tourbière dégradé émet jusqu’à 25 tonnes de CO2, soit l’équivalent de trois tours du monde en voiture. Sacré road trip !
Aujourd’hui, même si on a arrêté de drainer les tourbières, c’est le réchauffement climatique qui prend le relais de leur fragilisation. Entre sécheresse, évaporation intense liée à la montée des températures, et baisse inquiétante des nappes phréatiques — vitales pour l'hydratation des zones humides — les tourbières n’ont pas fini de s’inquiéter.
Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
Déjà, à titre individuel, excluons TOTALEMENT l’achat de terreau à base de tourbe ! Plus globalement, « on répare mais on ne reconstruira pas ce qui a été détruit » comme l’affirme Pierre Durlet, chargé de mission au Parc naturel régional du Haut-Jura. En gros, on limite l’impact, on préserve le restant, et on répare ce qui a été abîmé.
Mais tout espoir n’est pas perdu : en France, le programme Life tourbières du Jura a déjà permis de restaurer 55 tourbières et promet d’en restaurer encore 70 d’ici 2029 ! Des initiatives voient également le jour au niveau mondial, comme le programme REDD des Nations Unies, qui joue un rôle essentiel dans la protection des 22,5 millions d’hectares de tourbières indonésiennes.
Et, fort heureusement, certains États ont conscience de la nécessité d’agir, comme en témoigne la Déclaration de Brazzaville, signée en 2018 par la République démocratique du Congo, l’Indonésie et la République du Congo. Cet accord vise à protéger la cuvette du bassin du Congo, la plus grande tourbière tropicale du monde. À elle seule, elle capture 29 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 3 ans d’émissions à l’échelle mondiale !
Plus le temps passe, plus il est urgent de restaurer et protéger les tourbières partout dans le monde, pour ne pas se priver d’un allié si précieux dans notre objectif de réduction des émissions de CO2 !
Par Rédaction Tilt
Sources :
- Qu’est-ce qu’une tourbière sur Futura Sciences
- Les tourbières de puits de carbone à source de carbone sur le site du CNRS
- Les tourbières en danger en podcast sur Radio France
- La protection des tourbières sur le site de l’ONF
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