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# Deep Tilt

Milliardaires et climat :pourquoi les plus richespolluent plus queles autres ?

Oxfam x Tilt le 02/02/2023

7 min de lecture 🧠   Niveau « Je me débrouille »

Les personnes les plus riches du monde émettent des quantités énormes de carbone, et contrairement aux citoyen·nes ordinaires, entre 50 et 70 % de leurs émissions viennent de leurs investissements. Une étude d’Oxfam, publiée en novembre 2022, détaille pourquoi les milliardaires polluent plus que les autres. On t’en fait un récap ! 

Le chiffre qui fait tilt

3 millions

de tonnes de CO2 par an. C’est ce qu’émettent en moyenne les investissements de 125 des milliardaires étudiés par Oxfam. C’est plus d’un million de fois la moyenne des 90 % les plus pauvres de l’humanité.
Source : Oxfam

C’est quoi le problème avec les milliardaires ?

L’arbre qui cache la forêt 

Entre le compte twitter @i_fly_Bernard, qui suit les allers-retours du jet privé de Bernard Arnault, ou encore The Yard qui publie en juillet 2022 le classement des célébrités qui polluent le plus (spoiler alert : c’est Taylor Swift qui remporte la palme, avec 170 vols en jet privé uniquement entre janvier et juillet 2022) .… Ce n’est plus vraiment un scoop : les personnes extrêmement riches émettent des quantités gigantesques de CO2. 

Mais si les yachts et autres jets privés n’étaient en réalité que l’arbre qui cache la forêt ? D’après Oxfam, pour trouver la source du problème, il faut plutôt regarder du côté de leurs investissements. Eh oui…  Car contrairement aux citoyen·nes ordinaires, 50 à 70 % des émissions des milliardaires viennent de leurs investissements. Cette situation reflète tout simplement les inégalités des revenus : la majorité des personnes tirent leurs revenus de leur travail, alors que les plus riches tirent le plus gros de leurs revenus du rendement de leurs investissements. 

climat

Quelles sont les conclusions ?

Oxfam a donc analysé en détail les investissements de 125 milliardaires dans certaines des plus grandes entreprises du monde. Ils ont attribué à chaque milliardaire une partie de l’empreinte carbone de l’entreprise en fonction des parts détenues, comme expliqué dans leur rapport. 

Et le constat est clair : aujourd’hui, les milliardaires font encore majoritairement le choix de soutenir des industries polluantes. Dans tout l’échantillon, un seul milliardaire avait des investissements dans une entreprise d’énergies renouvelables. Et en moyenne, 14% des investissements de l’échantillon étaient dans des industries polluantes comme l’énergie ou le ciment. Ce chiffre est 2 fois supérieur à la moyenne des investissements (si on compare par exemple à l’indice de référence boursier américain Standard and Poor 500).

Si on regarde les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent, ce n’est pas mieux. Oxfam estime que les investissements des 125 milliardaires étudiés sont responsables au total de 393 millions de tonnes de CO2e. C’est autant de carbone de ce qu’émet la France entière avec ses 67 millions d’habitant·es ! Cela fait des émissions moyennes de 3 millions de tonnes de CO2e par an pour chacun d’entre eux. 

emissions co2

Pour imaginer un peu mieux ce que ça représente, chacun·e de ces milliardaires devrait faire près de 16 millions de fois le tour du monde en jet privé pour produire le même niveau d’émissions. Ou encore, il faudrait que quatre millions de personnes deviennent véganes pour compenser les émissions de chacun·e de ces milliardaires.


Pourquoi c’est important ?

Parce qu’il y a urgence pour agir

Face à l’urgence climatique, il est crucial de bien saisir la véritable ampleur des émissions générées par les personnes les plus riches de notre société et le rôle que ces émissions jouent dans le dérèglement climatique. Les émissions liées au mode de vie des milliardaires (comme les yachts, jets privés, et autres manoirs) ne sont que la face visible de l’iceberg. D’après Oxfam, les émissions liées aux investissements des milliardaires sont un million de fois supérieures à celles des citoyen·nes ordinaires. 

L’ampleur de ces inégalités climatiques pose la question du partage de l’effort dans la transition écologique à accomplir, en particulier lorsqu’on sait que les plus pauvres sont ceux qui subissent de plein fouet les risques climatiques générés par les émissions des plus riches.

urgence dereglement climatique

Parce qu’ils ont le pouvoir de changer les choses

Les investisseurs peuvent choisir où ils placent leur argent :  ils peuvent décider de soutenir les combustibles fossiles ou au contraire d’accélérer la transition. Et ces décisions peuvent potentiellement déterminer nos émissions pour les décennies à venir… et la qualité de notre vie à tous ! Tout simplement. 

Si Oxfam s’intéresse en particulier aux milliardaires, c’est parce qu’ils détiennent des participations importantes dans de nombreuses entreprises parmi les plus grandes et les plus puissantes du monde. Or c’est ce qui leur donne aussi un grand pouvoir d’influence sur la façon dont ces entreprises agissent. Dans l’échantillon analysé par Oxfam, 34 % des milliardaires possédaient plus de 50 % des entreprises concernées, ce qui leur confère un contrôle de fait sur ces entreprises.

symbolise le pouvoir d’influence et de contrôle des milliardaires sur les entreprises

Parce que des exemples positifs existent

Un exemple frappant est celui d’Yvon Chouinard, propriétaire de la marque Patagonia, qui a cédé sa société – valorisée à quelque 3 milliards de dollars - à une fondation et une organisation à but non lucratif. Il a annoncé cette opération dans une lettre publiée sur le site web de la marque et intitulée « la Terre est notre seul actionnaire ». Mais dans l’ensemble, bien que les milliardaires détiennent des parts considérables dans les entreprises, il semblerait que seule une petite poignée utilise sa fortune pour lutter contre le changement climatique.

Pourtant les actionnaires ont le pouvoir de prendre position sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance et d’exiger que les entreprises améliorent leurs pratiques. Un autre exemple avec ExxonMobil Corporation. En 2021, la petite société d'investissement Engine N°1 a fait plier le géant Exxon, car elle estimait qu’Exxon ne s’adaptait pas aux effets du changement climatique. Engine No. 1 a choisi de secouer le conseil d’administration d’Exxon en proposant quatre nouveaux représentants au conseil d'administration ayant une expérience en matière d’investissement durable. Résultat : trois des quatre candidat·es ont obtenu un siège au sein du conseil d’administration d’Exxon, composé de 12 membres. 

Que faire pour que les plus riches polluent moins ?

Des régulations et des politiques qui contraignent les entreprises

En septembre 2015, dans un discours qui a fait date, Mark Carney, le directeur de la banque d’Angleterre, a alerté les investisseurs sur l’importance de « briser la tragédie des horizons », c’est-à-dire d’arrêter de privilégier les politiques court-termistes pour se soucier plus des conséquences à long terme.

Ainsi, les États doivent élaborer une législation ambitieuse pour pousser les entreprises à réorienter leurs activités vers des modèles plus durables. Pour Oxfam, cela signifie que les États ne doivent pas se contenter de contraindre les entreprises à réduire leurs émissions de carbone, mais qu’ils doivent plus fondamentalement remodeler la gouvernance d’entreprise et les mesures incitatives afin de privilégier le bien-être social et la durabilité. Ça peut être par exemple via le soutien à l’économie solidaire ou encore en réformant la gouvernance et la propriété des entreprises, par exemple en introduisant une représentation des employé·es dans les conseils d’administration.

Un impôt sur la fortune climatique

Aujourd’hui, il est clair que les plus riches émettent bien plus de carbone que ce qui est soutenable pour contenir le dérèglement climatique. Les 1 % les plus riches émettent plus que les 50 % les plus pauvres de l’humanité et voient leur part des émissions mondiales augmenter plus rapidement. Une réduction significative de la concentration de leurs richesses aurait donc un impact important sur leurs niveaux d’émissions de CO2, et l’un des moyens d’y parvenir serait d’augmenter le montant des impôts payés par les personnes les plus riches. D’autant que leurs niveaux d’imposition ont fortement diminué au cours des dernières décennies, si bien qu’aujourd’hui, les milliardaires sont souvent soumis·es à des taux d’imposition plus faibles que les travailleurs et travailleuses ordinaires.

Au-delà de l’imposition de toutes les richesses, il existe plusieurs études en faveur d’une fiscalité pour décourager les investissements dans les activités néfastes pour l’environnement. Un impôt de ce type a notamment été proposé par les économistes Thomas Piketty et Lucas Chancel, qui ont calculé qu’à l’échelle mondiale, un taux d’imposition supplémentaire de 10 % sur les actifs polluants détenus par les milliardaires pourrait rapporter au moins 100 milliards de dollars par an. En plus d’aider à financer la transition, cela serait une incitation supplémentaire pour décourager les investissements dans des industries polluantes.

double mécanisme d’imposition

Climat

Par Oxfam x Tilt

Un article réalisé en partenariat avec Oxfam 
✏ (texte) Myriam Dahman
✏ (illustrations) Jean Jean Factory 
 

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