Inégalités dans le monde : les comprendre pour mieux les combattre

Et si, pour convaincre largement de la nécessité de réduire les inégalités, il fallait d’abord que tout le monde ait une meilleure connaissance de la répartition réelle des revenus ? Des études montrent que, quand on sous-estime le degré d’inégalités dans son pays, on a tendance à moins soutenir des mesures de redistribution. Dès lors, mieux informer les citoyen.ne.s pourrait aider à accroître leur soutien en faveur de la lutte contre les inégalités, via des politiques fiscales et sociales plus ambitieuses.

Inégalités réelles VS inégalités perçues

Les inégalités, c’est aussi une affaire de perception ? 

Pourquoi malgré des inégalités persistantes et une mobilité sociale limitée, les appels à un changement restent-ils relativement mineurs ? Et si c’était aussi une question de perception ? Car les inégalités, ce n’est pas juste une affaire de statistiques : ça dépend aussi de la manière dont chacun perçoit son positionnement par rapport aux autres individus de la société. Cette perception est influencée par une multitude de facteurs : l’information disponible, les expériences vécues, ou encore le pays, la région voire le quartier dans lesquels l’individu habite. Cette question est intimement liée à la perception de la mobilité sociale et à la crainte du déclassement, ainsi qu’au sentiment d’injustice et d’inégalités des chances. Cela va influencer le soutien qu’un.e citoyen.ne exprime – ou pas – en faveur de politiques de lutte contre les inégalités. 

Un exemple : la perception des inégalités au Mexique 

Une étude de l’Agence Française de Développement parue en 2020 basée sur des enquêtes menées auprès des ménages se penche sur l'impact de la perception des inégalités et de la mobilité sociale sur les préférences en matière de redistribution au Mexique. L’étude examine également comment les perceptions des inégalités et de la répartition des richesses des individus interrogés varient en fonction de leur richesse et de leur catégorie de revenus. Les résultats sont innovants et démontrent l’importance du comment et à qui l’information est donnée car cela peut modifier les perceptions et donc la tolérance ou pas aux inégalités. 

De manière générale, les estimations des mexicains et mexicaines du niveau des inégalités ne sont pas très éloignées des niveaux réels. En revanche, ils surestiment les revenus des riches ainsi que leur part dans la population. Il existe aussi des différences de perception de la répartition des revenus en fonction de la catégorie de revenus dans laquelle chacun se trouve. Pour résumer : les plus riches ont tendance à sous-estimer le nombre de personnes pauvres, pensant que la classe moyenne est plus importante que ce qu’elle n’est vraiment. Les catégories plus pauvres, quant à elles, vont surestimer les extrêmes, pensant par exemple que les riches sont plus nombreux qu’ils ne le sont en réalité. 

Changer la perception pour une meilleure redistribution

Concrètement ça change quoi ?  

Ce ressenti va directement influencer l’attitude des individus vis-à-vis du paiement des impôts et des dépenses sociales de l’État et donc de choix cruciaux tels que : qui doit payer l’impôt ? Qui devrait payer plus d’impôts ? Qui devrait bénéficier d’aides et de prestations sociales ? Est-ce que les effets des politiques de redistribution sont visibles et quel est l’intérêt de participer à l’effort fiscal ? S’ils sous-estiment le nombre réel de personnes en situation de pauvreté, les plus riches vont être moins enclins à soutenir des politiques fiscales ou sociales de redistribution plus ambitieuses. De l’autre côté, les personnes les plus pauvres pensent qu’augmenter le taux d’imposition des catégories les plus riches suffira pour financer des politiques de redistribution permettant de réduire les inégalités, ce qui n’est pas toujours le cas.  

Savoir où on se situe 

C’est pour cette raison qu’il est crucial de donner à tout le monde les moyens de prendre conscience de la répartition des revenus dans son pays et ainsi du degré d’inégalités en mettant à disposition les données de façon accessible. Mieux connaître la réalité de la distribution des revenus – et, par extension, des marges de manœuvre existantes pour réduire les inégalités – peut aussi permettre de mieux apprécier ce qu’il est possible de faire en termes de politiques publiques. 

Fournir aux gens davantage d'informations sur les inégalités de revenus et la mobilité sociale observées est un moyen d'encourager la demande de redistribution. Et toi, connais-tu ta position économique ? Plusieurs institutions comme l’OCDE, le World Inequality Lab ou l’Observatoire des inégalités mettent en place des plateformes pour nous aider à mieux comprendre la distribution de la richesse en France et dans le monde, et avoir les bonnes informations pour prendre les meilleures décisions.