Interview Laelia Benoit,pédopsychiatre qui répondsur le sujet de l'éco anxiété

Tristesse, peur, colère, mais aussi espoir et envie d’agir… l’éco-anxiété se manifeste de multiples manières. Qui est le plus touché par cette préoccupation grandissante pour l’avenir de la planète ? Comment y faire face ? Laelia Benoit, pédopsychiatre spécialiste de l'éco-anxiété et chercheuse à l'université de Yale et à l’INSERM, fait le tour du sujet pour Tilt !

Tilt – Qu’est-ce que l’éco-anxiété? 

Laelia Benoit - L'éco-anxiété a été définie par l'Association américaine de psychologie (l'APA), comme un ensemble d'émotions liées au changement climatique qui inclut de la tristesse, de la peur, de l'anxiété, de la honte, de la colère, mais aussi des émotions positives, comme l'espoir ou l'envie d'agir. L'éco-anxiété est donc un mot parapluie qui permet d'englober toutes ces émotions. Selon l'APA, l'éco-anxiété est un phénomène naturel et légitime. Ce n'est pas une maladie, c'est juste une réaction ordinaire et saine face aux dommages causés à la planète. L'éco-anxiété n'est pas une conséquence directe du changement climatique.

L'éco-anxiété vient du fait que, malgré le changement climatique et notre connaissance du changement climatique, on n'agit pas suffisamment.

L’éco-anxiété concerne-t-elle de la même façon tous les milieux sociaux ?

Un des stéréotypes classiques, c'est de dire que l'écologie est un problème de riches ou que c'est un problème quand on n'a pas d'autres problèmes. En réalité, les études montrent que les populations les plus vulnérables (les minorités ethniques, les femmes, les personnes en situation de pauvreté…) s'inquiètent davantage pour le changement climatique parce qu'elles savent qu'à partir du moment où le changement climatique va avoir un impact économique et social, elles seront les premières touchées.

J'inclus aussi parmi les populations vulnérables, les jeunes. Quand on fait des études sur des tranches d'âges, jusqu'à la fin de la vie, on se rend compte que les 15-30 ans sont plus anxieux que leurs aînés.

Quel est votre espoir, si vous en avez un ? 

Mon espoir, c'est la force du collectif. Je pense que beaucoup de gens ont envie d'agir pour le climat, mais ne savent pas comment faire. Je pense aussi qu'en France en particulier, les personnes pensent que l'écologie et l'environnement, c'est une affaire politique. En fait, il y a beaucoup de choses à faire même en dehors d'un engagement politique. Les actions collectives dont on parle et qu'on a étudiées sont des actions qui sont pour certaines politisées, pour d'autres pas. 

N'importe qui peut faire sa part, mais ça nécessite de sortir de chez soi, d’aller parler à d'autres et de contribuer à modifier son quartier, son école et à créer une résilience locale. Non seulement cette résilience locale permet de se préparer à l'impact local du changement climatique pour que les villes soient encore vivables et agréables même avec l'augmentation des températures. Mais en plus, ces changements locaux préparent le terrain pour pouvoir accepter des changements sociétaux plus importants. 

MasterTilt, c’est quoi ? 

MasterTilt, ce sont des interviews d’expert.e.s qui reviennent en profondeur sur leur sujet d’étude : d’abord, ils.elles décryptent les défis du monde, ensuite, ils.elles nous donnent leurs bons tuyaux pour agir.