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# Deep Tilt

Les forêts dans nos assiettes

Rédaction Tilt le 05/04/2023

7 min de lecture 🧠   Niveau « J'y connais rien »

Cakes à la farine de gland et petit épeautre, soupe aux orties, beignets de lichens, glace à l’eau d’épicéa… une lubie de gourmets branchés ? Pas si sûr. Les aliments forestiers comme les feuilles, les graines, les noix, le miel, les fruits, les champignons, les insectes et le gibier ont fait partie des régimes alimentaires des humains, en particulier en zone rurale, pendant des millénaires. Et aujourd’hui encore, partout dans le monde, leur garder une place dans nos assiettes est un enjeu de santé, de sécurité alimentaire et de lutte contre le dérèglement climatique ! 

Les produits forestiers dans nos assiettes

Une nourriture traditionnelle dans beaucoup de pays

Dans de nombreux pays du Sud, les produits alimentaires forestiers constituent une part essentielle du régime alimentaire, en particulier pour les populations rurales en situation d’insécurité alimentaire. Par exemple, dans la région occidentale du Ghana, des études montrent que les ménages à faibles revenus consomment 5 à 6 fois par semaine des produits qui viennent de la forêt, comme la viande de brousse, des escargots, des champignons, du miel et des fruits.

Au Sénégal, les fruits de certains arbres, comme le marula (Sclerocarya birrea), sont couramment utilisés pour diversifier les régimes alimentaires, et pallier les pénuries saisonnières de vitamines.

Sclerocarya birrea

Dans certaines communautés, les aliments sauvages prélevés dans les bois suffisent même à eux seuls à satisfaire les besoins alimentaires minimums en fruits, légumes ou aliments d’origine animale. C’est le cas pour de nombreuses communautés autochtones. D’après le rapport 2020 du FAO, sur un ensemble de 22 pays d’Asie et d’Afrique, les communautés autochtones présentes dans ces territoires utilisent en moyenne 120 produits alimentaires sauvages chacune. 

Y compris dans les pays occidentaux

Mais l’importance des aliments forestiers dans nos assiettes ne se limite pas aux pays en développement. Une enquête menée dans 28 pays européens a montré que presque 92% d’entre eux avaient consommé des produits forestiers sauvages en 2015, 82% d’entre eux avaient acheté ces produits dans un magasin, tandis que 25% avaient participé directement à la récolte. 

Un exemple tout simple : les champignons. Ils représentent un marché de taille, puisque la valeur du marché mondial des champignons comestibles, dont une grande partie est prélevée dans les forêts, est estimée à 42 milliards de dollars par an

champignons

D’ailleurs, les grands chefs cuisiniers, comme par exemple le chef René Mathieu au Luxembourg ou encore le chef étoilé suisse Stefan Wiesner, ne s’y trompent pas : les vertus gustatives et les qualités nutritives des écorces, racines, bois, sèves, aiguilles ou feuilles sont infinies, à condition de bien savoir les choisir. De l’écorce de bouleau peut remplacer la cannelle, du polypode, une sorte de fougère, donne aux préparations un goût de réglisse, l’aspérule odorante répand un parfum vanillé…

Loin d’être uniquement un concept folklorique au service de chefs soucieux de se démarquer, ou un moyen d’affoler les cercles de gourmets branchés, il s’agit en réalité de reconnaitre une vérité trop souvent oubliée : la forêt a une place d’importance dans nos assiettes. Et continuer à s’en nourrir est un enjeu de santé, de sécurité alimentaire et de lutte contre le dérèglement climatique.

Manger des produits forestiers : pourquoi c'est un enjeu de développement ?

Ça nous permet d’être en bonne santé

Avec la modernisation, l’urbanisation, et le développement économique on observe un peu partout dans le monde une transition nutritionnelle – c’est-à-dire qu’on passe d’une alimentation traditionnelle, naturellement riche en céréales et fibres et axée sur des produits de base et une cuisine fait-maison, à une consommation de plus en plus importante d’aliments emballés et transformés, bien souvent riches en sucre et gras.

Le problème ? On voit en même temps une augmentation mondiale du surpoids, de l’obésité et des maladies liées à une mauvaise alimentation, comme les maladies cardiovasculaires, les infarctus, les cancers et le diabète de type 2, qui comptent parmi les premières causes de mortalité à l’échelle planétaire d’après l’OMS. Or, les aliments récoltés dans les bois et les forêts sont pour l’essentiel pauvres en graisses et riches en protéines et hydrates de carbone complexes. 

C’est le cas des fruits à coque, comme par exemple les châtaignes, la karité, la noix de kola, la noix du Brésil, ou la noix du bancoulier. C’est l’un des aliments consommés par l’homme qui présente les plus grandes vertus nutritionnelles. Eh oui… les noix sont pleines de qualités :  c’est un aliment à forte teneur énergétique et pourtant, pas besoin d’en manger trop pour ne plus avoir faim et leur consommation ne s’accompagne pas de prise de poids et réduit même les risques d’obésité.

fruits à coque

C’est un moyen de lutter contre l’insécurité alimentaire 

Une étude dans 21 pays africains a constaté (en croisant les images satellites des zones arborées avec les données sur la nutrition) que la diversité de l’alimentation des enfants était plus grande là où le couvert arboré était plus important. En gros, plus on observe de zones de forêts, plus la consommation de fruits et légumes augmente. 

Un exemple : le baobab. Cet arbre tropical est utilisé aussi bien pour ses fruits et ses feuilles, qui constituent des aliments de base pour beaucoup de monde dans les zones arides d’Afrique. La pulpe déshydratée des fruits du baobab contient jusqu’à 300 mg de vitamine C pour 100 g de pulpe de fruit. C’est 6 fois plus de vitamine C que les oranges

baobab

Mais par leur simple présence, les forêts nous aident aussi à mieux cultiver et donc à mieux manger. Pour une raison toute simple : elles abritent une grande partie des pollinisateurs sauvages, qui sont indispensables aux cultures.

Un exemple concret : une étude en République-Unie de Tanzanie, où la plupart des agriculteurs sont de petits exploitants, a montré que les forêts jouent un rôle important dans l’agriculture. Les parcelles cultivées qui se trouvent juste à côté de la forêt vont être beaucoup plus productives que les autres, et les recettes que les agriculteurs tirent de leurs cultures plus importantes. Mais dès que la parcelle se trouve à plus de 2 à 3 km de la forêt, cet effet bénéfique disparait. Une raison de plus pour préserver des parcelles boisées à proximité des zones agricoles.

C’est bon pour le climat

Récolter les produits alimentaires issus des forêts, c’est aussi un moyen de les préserver… du moins quand c’est fait de manière durable. 

Un exemple : la noix du Brésil. C’est le fruit Noyer du Brésil (Bertholletia excelsa), l'un des plus grands arbres de la forêt amazonienne, et la seule graine comestible commercialisée mondialement qui soit récoltée directement dans la forêt. Pendant les dernières décennies, la récolte de noix du Brésil a permis de soutenir la « conservation par l’utilisation » de millions d’hectares de forêt amazonienne. Et en préservant les forêts, on lutte efficacement contre le dérèglement climatique.

noix du Brésil

Mais les produits forestiers offrent aussi des alternatives moins émettrices de CO2 pour remplir nos placards et nos assiettes. C’est le cas notamment des insectes, qui vont nécessiter beaucoup moins de ressources en eau, en sols ou en énergie que la viande rouge. C’est donc beaucoup plus écologique de produire des protéines à partir du ver de farine que de la viande de bœuf. De nombreux insectes sont riches en protéines et en lipides, mais aussi en calcium, en fer et en zinc. À titre de comparaison : il y a en moyenne 6 mg de fer pour 100 g de bœuf, contre 8 à 20 mg pour 100 g de sauterelle. 
Mais, à mesure que les habitats forestiers disparaissent, on risque de perdre des espèces avant même d'avoir compris comment les utiliser pour réduire la faim.

Des sauterelles grillées, des abdomens de fourmis confits, des vers de palmier à l’étouffée … un menu qui peut paraitre bizarre ? Et pourtant... Les insectes font partie de l’alimentation traditionnelle d’au moins 2 milliards de personnes. D’après le FAO, plus de 1 900 espèces sont consommées par les humains à travers le monde, les principales étant les scolythes (des sortes de coléoptères), les chenilles, les abeilles, les guêpes, les fourmis, les sauterelles et les criquets. 

insectes

Pour ne pas trop exploiter les forêts et les populations sauvages, l’élevage d’insectes pour l’alimentation humaine et animale se développe de plus en plus. En Thaïlande, par exemple, l’élevage d’insectes à petite échelle est déjà une pratique bien établie et des pays tels que le Kenya et l’Ouganda ont mis en place avec succès des modèles d’élevage de grillons et de sauterelles.

Forêt Alimentation

Par Rédaction Tilt

✏ (texte) Myriam Dahman

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